Archives de l’auteur : Stéphane Mazouffre

Physicien des plasmas - Spécialiste en propulsion spatiale Directeur de Recherche au CNRS Responsable de l'équipe Propulsion Electrique au laboratoire ICARE à Orléans

2024

L’année 2023 vient de s’achever ; 2024 pointe son nez. Rien ne dit qu’elle sera meilleure. On voudrait y croire mais le contexte international et les discours belliqueux de certains dirigeants ne laissent hélas rien présager de très bon. Il y a aussi l’absence évidente d’engagements forts contre le réchauffement climatique (2024 sera plus chaude que 2023, voilà une certitude) et la montée en puissance à vitesse grand-V de l’IA que personne i) n’avait vu venir et ii) ne sait gérer et orienter. Le monde s’adaptera tant bien que mal. On fera le bilan de cette nouvelle année dans 365 jours mais il est difficile d’être optimiste. Néanmoins, il ne faut pas baisser les bras ; la fin du monde n’est pas pour tout de suite. Garder espoir il faut, comme dirait un petit sage vert.

2024 sera au moins une année importante pour ma petite personne. J’ai en effet le plaisir et l’honneur d’organiser au mois de juin prochain à Toulouse la 38ème édition du Congrès International en Propulsion Electrique ou International Electric Propulsion Conference en anglais. J’y travaille, au sein d’une petite équipe pleinement investie, depuis déjà plus d’un an après la sélection de notre projet face à la Chine en 2020. Mais il est clair que le nombre de tâches s’accroit et que la pression commence à monter à désormais moins de six mois de l’échéance.
On fera tout bien sûr pour que cette édition française soit inoubliable et marquante aussi bien sur le fond que sur la forme. Cela commence bien puisque nous avons reçu 740 contributions scientifiques, un record… et une grande charge de travail en perspective. Pour en savoir d’avantage et suivre l’avancée des préparatifs, je vous invite à visiter le site web du congrès : IEPC 2024.

Charente

Paysages de Charente.

Randonnée de 39 kilomètres aujourd’hui en Charente au nord de la forêt de Brigueuil alors que l’année 2023 est sur le point de s’achever. Prendre un grand bol d’air frais, voire froid tôt le matin, se vider l’esprit, refaire le plein d’énergie, profiter des paysages d’hiver, penser et mettre en place le déroulé de l’année à venir même si tout ne peut pas être prédit, loin s’en faut.

Isp record

Traces du courant ionique enregistrées dans le faisceau de plasma du propulseur à arc sous vide PJP équipé d’une cathode en cuivre.

La figure ci-dessus montre la forme d’onde du courant ionique mesurée au cours d’une impulsion de courant à l’aide de sondes de Faraday dans la plume plasma du propulseur à arc sous vide (VAT en anglais) Plasma Jet Pack de COMAT équipé d’une cathode en cuivre (Cu). Les enregistrements ont été réalisés dans le cadre de la thèse d’Etienne Michaux financée par le CNES et COMAT. L’écart temporel entre l’intensité maximale de chaque courbe permet de déterminer la vitesse des ions connaissant la distance qui sépare les deux sondes. Il s’agit de la méthode dite de « temps de vol ».

Cette mesure indique ainsi que les ions atteignent une vitesse de 160 km/s, indépendamment de leur charge électrique, ce qui correspondrait à une impulsion spécifique (Isp) de 16330 s ! Il s’agit à notre connaissance du record d’Isp pour un propulseur ionique, cette valeur étant supérieure à celle obtenue avec un propulseur de la même famille par la startup Neumann Space.
Une telle valeur est cependant rare et statistiquement peu représentative, la valeur moyenne de la vitesse des ions dans les conditions de cette expérience se situant autour de 35 km/s. L’origine de ces bouffées d’ions ultra-rapides n’est pas connue. Il peut s’agir de l’effet d’instabilités à fort courant ou bien de la production d’ions hautement chargés accélérés électrostatiquement.
Les lecteurs intéressés pourront trouver des mesures et des informations additionnelles dans un article paru récemment dans la revue scientifique Aerospace : Time-of-flight measurements in the jet of a high-current vacuum arc thruster, Aerospace 10 1011 (2023).

Blindés

Char lourd israélien MERKAVA Mark 1 au musée des blindés de Saumur.

J’ai visité hier le musée des blindés de Saumur avec mon fils. Plus de quatre heures à arpenter les allées et les halls du musée sans voir le temps passer. Bien sûr il faut aimer les chars d’assaut et l’histoire des batailles et des guerres qui ont marquées les décennies écoulées. La collection du mussée est vraiment incroyable ; je recommande sa visite à tous, petits et grands, amateurs ou non de machines de guerre. Le musée présente la quasi-totalité des véhicules blindés ayant été créés et employés depuis le début du XXème siècle et la premières guerre mondiale. On y trouve les premiers chars, les blindés allemands de la deuxième guerre mondiale dont les Panzers et le célèbre Tigre, les Sherman et Patton américains, les chars français dont le lance-missile nucléaire Pluton et les prototypes AMX 40 et AMX 50 que je ne connaissais pas malgré un service militaire effectué dans la cavalerie, les blindés soviétiques du Pacte de Varsovie et des chars récents comme le Leclerc, les Leopard allemands et le Merkava israélien qui m’a particulièrement marqué par son profil et sa stature si imposante.
Nous sommes sortis du musée comblés par la visite, émerveillés quelque part par ses monstrueuses machines à tuer mais tout de même effrayés par le génie humain à l’oeuvre lorsqu’il s’agit de faire la guerre et de combattre.

Jizô

Mon premier Jizô – Création à base d’argile.

Il existe de très nombreuses premières fois, premières expériences. En voici une autre pour moi : première sculpture. J’aurai attendu d’avoir cinquante ans. J’aurais du le faire plus tôt.
Finalement, j’ai vraiment aimé manipuler cette matière, en l’occurrence de l’argile, et me concentrer sur les formes, sur les détails. Voilà le résultat après trois heures de travail intense dans le calme et la sérénité. C’est un jizô, sculpture japonaise représentant un moine au visage de poupon qui inspire la bienveillance et la sérénité. C’est un protecteur des enfants et des voyageurs mais aussi des âmes égarées. Ma sculpture n’est pas encore achevée. Elle doit encore sécher et dans trois semaines je pourrai gommer les imperfections et la peindre. Ensuite elle trônera fièrement dans notre maison.
Un très joli moment partagé. Un grand merci à l’atelier LudoTerre à Villers sur Mer et à Caroline. Merci aussi à mon ami Gaël sans qui cette découverte n’aurait jamais eu lieu.

74ème CAI

Le 74ème Congrès International en Astronautique (International Astronautical Congress) se déroule cette semaine à Bakou, la capitale de l’Azerbaïdjan au bord de la mer Caspienne : IAC 2023. C’est un congrès réputé qui se déroule tous les ans et qui réunit les acteurs, petits et grands, du domaine spatial. On y présente les dernières avancées, les travaux en cours, l’état du domaine et les perspectives et feuilles de route.
J’ai pourtant décidé de pas participer à cette édition. A tort ou à raison. Le lieu est certes attrayant, mais je pense que l’on doit clairement séparer les activités spatiales et le champ de la politique internationale lorsque le contexte est instable et trouble. Nous, les acteurs, devons rester neutres autant que possible.

Ecole d’été en PE

Logo de l’Ecole d’été européenne en Propulsion Electrique.

Les mois ont défilé et je n’ai pas réussi à trouver un instant pour écrire quelques lignes sur ce blog. J’ai consacré la majeure partie de mon temps à ma famille, mes amis, mes recherches, mon équipe, mon labo et diverses activités dont la lecture, la visite de lieux, la sieste. Presque quatre mois se sont écoulés depuis mon dernier billet. Il est grand temps de se remettre à l’ouvrage.

Je viens de créer avec Thomas Trottenberg de l’Université de Kiel en Allemagne et mes collègues K. Dannenmayer et Eduard Bosch de l’ESA la première Ecole d’été européenne en Propulsion Electrique. Elle se déroulera au Centre européen de technologie spatiale de l’Agence Spatiale Européenne à Noordwijk aux Pays-Bas en octobre prochain. J’ai hâte d’y être. L’idée nous ait venu avec Thomas lors d’une discussion au petit-déjeuner alors que nous étions invité à l’Ecole d’été en Physique des Plasmas à Bad Honnef l’hiver dernier.
Un tel événement manquait dans notre domaine qui a connu une croissance explosive au cours de la dernière décennie avec l’émergence d’une grande variété de technologies et de concepts, de nouvelles missions et la création de nombreuses entreprises. L’objectif de cette école, qui se déroulera sur trois jours, est de fournir une vue d’ensemble du domaine de la PE en couvrant les aspects fondamentaux, les technologies, les diagnostics, la simulation et les missions. C’est une opportunité unique pour les doctorants, les jeunes chercheurs et ingénieurs d’apprendre, de rencontrer des acteurs et de débattre des avancées et des perspectives.
Le programme de l’Ecole et la liste des orateurs sont disponibles sur le site web : First European Summer School in Electric Propulsion for spacecraft.

Lectures récentes

Comme je l’écrivais récemment, j’ai été très pris par une multitude de tâches et d’événement ces derniers temps, sans arrêter mes travaux de recherche, mais j’ai tout de même (comment faire sans ?) pris du temps pour lire, m’évader, réfléchir. Voilà les ouvrages variés que j’ai lu au cours des dernières semaines.

  • La constance du prédateur de M. Chattam,
  • Encabanée de G. Filtreau-Chiba,
  • Par la force des arbres d’E. Cortes,
  • Respire de N. Tackian,
  • Confessions d’un hétérosexuel légèrement dépassé de F. Beigbeder,
  • Au commencement était la guerre d’A. Bauer.
  • Le monde sans fin de J.-M. Jancovici et C. Blain

J’ai aimé La constance du prédateur, comme tous les romans de MC. Je me suis amusé et évadé avec Respire. Je me suis en partie retrouvé dans le dernier livre de FB. C’est normal, vu mon âge et ma génération. J’ai progressé dans ma connaissance du monde avec le livre d’AB ; j’ai pris peur aussi. J’en recommande vivement la lecture pour mieux comprendre notre histoire, ancienne et récente, et ce que nous réserve sans doute le futur. Quant à l’ouvrage de JMJ, que dire ? Comment l’humanité fonce dans un mur à grande vitesse en le sachant mais sans freiner expliqué clairement et simplement avec de belles illustrations. On a froid ans le dos une fois les pages refermées car on sait que rien ne se passera avec la collision. Et ensuite il sera trop tard…

Je lis actuellement deux ouvrages sur l’apprentissage automatique et l’IA ainsi que le livre de T. Hertog, cosmologiste reconnu, élève, collaborateur et ami de Stephen Hawking, intitulé L’Origine du Temps.

Temps mort

Je n’ai pas été très actif sur ce blog depuis plusieurs semaines. Il y a avait pourtant de nombreux sujets à commenter et à débattre comme la réforme des retraites en France, la guerre en Ukraine, les faillites boursières aux Etats-Unis, les procès de l’ancien président Donald Trump, l’IA et bien d’autres. Mais j’ai été très accaparé par la gestion du laboratoire ICARE du CNRS dont j’ai pris la co-direction depuis le 1er janvier de cette année. Je découvre le métier de directeur d’une unité de recherche. Il y a des bons et des mauvais côtés, des moments faciles et d’autres plus difficiles. La tâche reste cependant prenante et fort intéressante d’autant plus que les défis à relever pour l’avenir du laboratoire sont nombreux et complexes (pyramide des âges, développement durable, contexte international, grands enjeux) sachant que l’on ne maîtrise pas tout, loin de là, et que l’on doit composer avec la politique de site, de la Région, du CNRS et celle du Ministère. Un fascinant jeu d’équilibre. Malgré cette nouvelle fonction, je n’ai pas arrêté de faire de la recherche. C’est impossible. J’ai diminué l’allure mais les travaux se poursuivent au sein de ma formidable équipe sur les propulseurs Hall, les moteurs à carburant solide, les nouveaux ergols et l’utilisation de l’apprentissage automatique (machine learning) en propulsion ionique entre autres.
De surcroît je me suis marié au mois d’avril dernier. Une belle et émouvante cérémonie en présence de notre fils Paco et une formidable et inoubliable journée de célébration en famille. Je ne regrette rien après vingt-quatre années d’hésitation.

Dialogue avec ChatGPT à propos de PE

Vous avez tous entendu parler ces derniers jours de ChatGPT, un agent conversationnel basé sur l’IA développé par OpenAI. Difficile de passer à côté du programme qui fait vos devoirs et rédige vos dissertations, rapports, articles et livres (ou presque). Les étudiants sont ravis. Les autres s’interrogent. Le début de la fin ?
J’ai donc voulu me faire une idée des capacités de ChatGPT. Afin de pouvoir juger de façon professionnelle et objective, j’ai choisi de poser à ChatGPT des questions concernant la propulsion électrique pour les satellites, l’un des domaines que je maîtrise le mieux. Notre petite conversation, sous forme de questions-réponses est disponible ici (en anglais) : A chat with ChatGPT about EP.

Le résultat est je dois dire assez bluffant. C’est en effet un niveau au dessus de ce que fait Google aujourd’hui ou Wikipedia. Il y a des répétitions, des imprécisions (notamment sur les familles et technologies il y a confusion et répétition), des simplifications, des oublis mais je n’ai pas trouvé d’erreurs majeures. C’est en somme une introduction d’un niveau correcte qui donne les grandes lignes. Mais on s’arrête là.
Pour en savoir d’avantage, approfondir, il faut (encore, mais pour combien de temps) se plonger dans les articles et les livres. Il faut aussi être critique, donc avoir du recul, donc avoir des connaissances, du savoir.
Une dernière remarque. ChatGPT ne cite pas ses sources. Il n’y a aucune références. Un point faible que le programme devra corriger.
Pour résumer, un outil sans doute puissant à manipuler avec précaution.