Nous y sommes.
La 38ème édition du congrès IEPC dédié à la propulsion électrique des véhicules spatiaux va débuter dans l’après-midi et se prolonger jusqu’à vendredi prochain.
Voici donc l’aboutissement de deux années de travail, non pas seul, mais à quatre. Merci à vous trois pour m’avoir suivit et aidé dans cette belle aventure débuté à Vienne en 2019 qui je l’espère fera de cette édition un moment mémorable.
Allez, c’est l’heure. Je vous raconterai.
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2024
L’année 2023 vient de s’achever ; 2024 pointe son nez. Rien ne dit qu’elle sera meilleure. On voudrait y croire mais le contexte international et les discours belliqueux de certains dirigeants ne laissent hélas rien présager de très bon. Il y a aussi l’absence évidente d’engagements forts contre le réchauffement climatique (2024 sera plus chaude que 2023, voilà une certitude) et la montée en puissance à vitesse grand-V de l’IA que personne i) n’avait vu venir et ii) ne sait gérer et orienter. Le monde s’adaptera tant bien que mal. On fera le bilan de cette nouvelle année dans 365 jours mais il est difficile d’être optimiste. Néanmoins, il ne faut pas baisser les bras ; la fin du monde n’est pas pour tout de suite. Garder espoir il faut, comme dirait un petit sage vert.
2024 sera au moins une année importante pour ma petite personne. J’ai en effet le plaisir et l’honneur d’organiser au mois de juin prochain à Toulouse la 38ème édition du Congrès International en Propulsion Electrique ou International Electric Propulsion Conference en anglais. J’y travaille, au sein d’une petite équipe pleinement investie, depuis déjà plus d’un an après la sélection de notre projet face à la Chine en 2020. Mais il est clair que le nombre de tâches s’accroit et que la pression commence à monter à désormais moins de six mois de l’échéance.
On fera tout bien sûr pour que cette édition française soit inoubliable et marquante aussi bien sur le fond que sur la forme. Cela commence bien puisque nous avons reçu 740 contributions scientifiques, un record… et une grande charge de travail en perspective. Pour en savoir d’avantage et suivre l’avancée des préparatifs, je vous invite à visiter le site web du congrès : IEPC 2024.
Isp record
La figure ci-dessus montre la forme d’onde du courant ionique mesurée au cours d’une impulsion de courant à l’aide de sondes de Faraday dans la plume plasma du propulseur à arc sous vide (VAT en anglais) Plasma Jet Pack de COMAT équipé d’une cathode en cuivre (Cu). Les enregistrements ont été réalisés dans le cadre de la thèse d’Etienne Michaux financée par le CNES et COMAT. L’écart temporel entre l’intensité maximale de chaque courbe permet de déterminer la vitesse des ions connaissant la distance qui sépare les deux sondes. Il s’agit de la méthode dite de « temps de vol ».
Cette mesure indique ainsi que les ions atteignent une vitesse de 160 km/s, indépendamment de leur charge électrique, ce qui correspondrait à une impulsion spécifique (Isp) de 16330 s ! Il s’agit à notre connaissance du record d’Isp pour un propulseur ionique, cette valeur étant supérieure à celle obtenue avec un propulseur de la même famille par la startup Neumann Space.
Une telle valeur est cependant rare et statistiquement peu représentative, la valeur moyenne de la vitesse des ions dans les conditions de cette expérience se situant autour de 35 km/s. L’origine de ces bouffées d’ions ultra-rapides n’est pas connue. Il peut s’agir de l’effet d’instabilités à fort courant ou bien de la production d’ions hautement chargés accélérés électrostatiquement.
Les lecteurs intéressés pourront trouver des mesures et des informations additionnelles dans un article paru récemment dans la revue scientifique Aerospace : Time-of-flight measurements in the jet of a high-current vacuum arc thruster, Aerospace 10 1011 (2023).
Dialogue avec ChatGPT à propos de PE
Vous avez tous entendu parler ces derniers jours de ChatGPT, un agent conversationnel basé sur l’IA développé par OpenAI. Difficile de passer à côté du programme qui fait vos devoirs et rédige vos dissertations, rapports, articles et livres (ou presque). Les étudiants sont ravis. Les autres s’interrogent. Le début de la fin ?
J’ai donc voulu me faire une idée des capacités de ChatGPT. Afin de pouvoir juger de façon professionnelle et objective, j’ai choisi de poser à ChatGPT des questions concernant la propulsion électrique pour les satellites, l’un des domaines que je maîtrise le mieux. Notre petite conversation, sous forme de questions-réponses est disponible ici (en anglais) : A chat with ChatGPT about EP.
Le résultat est je dois dire assez bluffant. C’est en effet un niveau au dessus de ce que fait Google aujourd’hui ou Wikipedia. Il y a des répétitions, des imprécisions (notamment sur les familles et technologies il y a confusion et répétition), des simplifications, des oublis mais je n’ai pas trouvé d’erreurs majeures. C’est en somme une introduction d’un niveau correcte qui donne les grandes lignes. Mais on s’arrête là.
Pour en savoir d’avantage, approfondir, il faut (encore, mais pour combien de temps) se plonger dans les articles et les livres. Il faut aussi être critique, donc avoir du recul, donc avoir des connaissances, du savoir.
Une dernière remarque. ChatGPT ne cite pas ses sources. Il n’y a aucune références. Un point faible que le programme devra corriger.
Pour résumer, un outil sans doute puissant à manipuler avec précaution.
Voyages interstellaires
J’ai participé cette semaine à l’école d’été « Second Interstellar Studies Summer Course » organisée par le Limiteless Space Institute (LSI) et l’organisation Initiative for Interstellar Studies (i4is).
J’ai fait un excellent choix même si les journées furent longues puisque les cours et conférences débutaient à 16 heures pour se clôturer à minuit dans mon cas à cause du décalage horaire avec Houston. Je tiens à remercier Rob de i4is et Sonny du LSI pour leur engagement, leur passion et leur énergie mis au service de cette belle initiative qui je l’espère se poursuivra dans le futur.
Vous l’aurez tous compris, il a été question tout au long de cette semaine de voyages interplanétaires (à l’intérieur du système solaire) et surtout de voyages interstellaires (à l’extérieur du système solaire). Les exposés étaient tous passionnants, riches et instructifs. Je tiens à saluer ici le sérieux des intervenants et leur attitude décontractée ; ils ont su sans mal partager leur engouement et transmettre leurs savoirs. Le contenu thématique de l’école était fantastique puisque nous avons traité de propulsion (fission, fusion, voiles laser, warp drive), de ressources in-situ, de l’architecture des vaisseaux (generation ships, world chips mais aussi Chipsats), des voyages et de leurs contraintes, des objectifs et des intérêts (pour vs contre). Nous avons aussi évoqué les voyages interstellaires dans la science-fiction, en particuliers les films et les séries. Un très beau programme, plaisant et instructif même pour un physicien des plasmas spécialiste de la propulsion électrique comme moi.
J’ai surtout retenu une chose de cette école : lorsque l’on traite sérieusement des voyages interplanétaires, il ne faut surtout pas se limiter à partir du moment où l’on ne contredit pas les lois de la Physique. Peu importe l’énergie, la matière, le temps et le coût demandés, un jour viendra où l’humanité sera prête.
IEPC 2022
Me voilà de retour des Etats-Unis. Je viens de passer une semaine à Boston dans le Massachussetts où j’ai assisté à la 37ème édition du congrès International Electric Propulsion Conference organisée par mon collègue et ami le Professeur Paulo Lozano sur le campus du célèbre MIT.
Cette année l’atmosphère était particulière, période post- Covid oblige. L’IEPC aurait du avoir lieu en 2021 après l’édition de Vienne en 2019 mais la pandémie nous a obligé à décaler d’un an. Il y a avait un réel plaisir de se revoir après 3 ans. Retrouvailles en famille en quelque sorte et retour à une certaine normalité. Pendant une semaine nous avons pu passer du temps ensemble, partager nos travaux et nos avancés, discuter du futur de la propulsion électrique et des directions à suivre pour les années à venir.
Une fois encore le congrès fût riche de recherches innovantes, de nouveaux résultats et de nouvelles voies ouvertes par une jeune génération et par les très actives et nombreuses startups. Je retiendrai les avancés sur les PEH à écrantage magnétique, la micropropulsion qui avance à grands pas et quelques présentations surprenantes sur des diagnostics et le couplage diagnostics-simulations numériques.
Quant au dîner de Gala, je n’oublierai pas la vue magnifique sur Boston et son port depuis le 33ème étage d’un superbe gratte-ciel dans la célèbre State Room. Quel spectacle en particulier à la tombée de la nuit lorsque la ville s’illumine.
J’ai aussi profité de cette semaine pour visiter cette ville de Boston si particulière, si différente du reste. Je n’y étais pas retourné depuis 1998 lors de mon tout premier séjour aux USA. La ville n’a pas réellement changé si ce n’est de nombreuses constructions nouvelles mais harmonieuses. L’atmosphère unique est là, toujours là et la magie opère. Voilà une ville américaine où je pourrais vivre tant elle est liée à la vielle Europe.
J’ai aussi assisté, par hasard en fait, à une manifestation géante contre l’abrogation par la court suprême de l’arrêt Roe v. Wade (datant de 1973). Le choix du droit à l’avortement est ainsi redonné par la court majoritairement républicaine à chacun des États. Un retour en arrière, un coup dur pour les femmes et le droit de disposer de leur corps. Le côté sombre des Etats-Unis, une démocratie pilotée par 9 juges nommés à vie. Etrange conception de la liberté et de la démocratie. Le paradoxe américain. Je crains hélas que ce coup d’épée ne soit pas le dernier car la droite ultralibérale, croyante, fanatique et raciste a su tisser sa toile au cours des dernières décennies afin d’imposer sa vision du monde au pays.
Avant de conclure, je tiens à féliciter une fois encore mon ami Alec Gallimore de l’Université du Michigan et Dan Goebel du JPL pour la médaille Stuhlinger qu’ils se sont vu remettre lors de cette 37ème IEPC. C’est de loin mérité car vos contributions respectives à la propulsion sont immenses.
Je souhaite aussi rappeler que j’organiserai avec mes amis L. Garrigues (CNRS) et A. Rossi (CNES) la prochaine édition de l’IEPC. Elle se déroulera dans la ville rose en juin 2024. Nous mettrons tout en oeuvre pour que cette 38ème conférence soit une réussite et une vitrine pour la Propulsion Electrique en France.
La méthode scientifique
J’ai participé hier après-midi pour la troisième fois à l’émission de radio « La Méthode Scientifique » animée par Nicolas Martin et son équipe. Le sujet du jour : la propulsion spatiale du futur. Le premier thème traité fut le concept SpinLaunch, sorte de fronde géante servant à lancer des satellites. Diverses méthodes ont ensuite été abordées, dont les technologies de propulsion électrique et de propulsion nucléaire. Pour finir nous avons discuté des voiles solaires et des voiles laser, illustrées par un reportage au sein de la startup française GAMA.
Si vous voulez en savoir d’avantage sur ces technologies du futur innovantes et prometteuses, vous pouvez écouter tranquillement l’émission ou le podcast : Spin Launch : un p’tit tour et puis s’en va.
Je tiens à remercier Maxime Puteaux (conseiller chez Euroconsult) ainsi que Franck Plouraboué (directeur de recherche CNRS à l’Institut de mécanique des fluides de Toulouse) pour les échanges que nous avons eus et leur commentaires précis et pertinents.
Encore des startups en PE
J’ai pris connaissance dernièrement de l’existence de nouvelles entreprises au ormat startup qui se lancent dans l’aventure de la propulsion électrique pour les satellites :
- Ohmspace en Angleterre – Résistojets, faible puissance
- SERAN en Ukraine – Propulseurs à effet Hall, faible puissance
- URA en Angleterre – Propulseurs électrothermiques à eau, faible puissance
On approche désormais de la cinquantaine d’entreprises de toute taille sans que les entreprises chinoises ne soient recensées.
La liste à jour est disponible ici : Entreprises.
Fournisseurs de Propulseurs
Je viens de mettre à jour la liste des fabricants et fournisseurs de propulseurs électriques. Elle contient désormais 45 entreprises de toute taille qui sont majoritairement situées aux Etats-Unis et en Europe. Notez que cette liste ne recense pas les entreprises chinoises.
La liste est disponible ici : Entreprises.
Je viens d’ajouter 5 entreprises :
- Aurora en Finlande – Résistojets à eau, faible puissance
- Baryon Dynamics au Canada – Arcjets, faible puissance
- Hypernova en Afrique du Sud – Propulseurs à arc sous vide (VAT), faible puissance
- Ion-X en France – Propulseurs à électrospray, faible puissance
- Trans Astra en Californie – Résistojets, faible puissance
La liste n’est certainement pas exhaustive. Je suis donc preneur de toutes les nouvelles informations disponibles.
Prix Edmond Brun
J’ai reçu hier après-midi à l’Institut de France à Paris le prix Edmond Brun de l’Académie des Sciences pour mes travaux en propulsion spatiale : Cérémonie de remise des prix 2021 de l’Académie des Sciences.
Je suis profondément honoré par cette distinction prestigieuse qui récompense plus de vingt-cinq années de travaux de recherche dans les domaines de la physique des plasmas et de la propulsion ionique.
Naturellement, il ne s’agit nullement de l’accomplissement d’un seul homme. Je souhaite donc chaleureusement remercier tous ceux qui m’ont accompagné dans cette belle aventure : mes proches, mes amis, mes doctorants, mes étudiants, mes vrais collègues et tous ceux qui m’ont épaulé, forcé à toujours donner le maximum et poussé à me remettre souvent en cause.
Je tiens à dédicacer ce prix à mon collègue et ami disparu trop tôt, le Professeur Michel Dudeck, qui m’a orienté vers la propulsion spatiale tout en me laissant prendre mon envol.
Enfin, je dédie ce prix à mon Père, lui aussi partit bien trop tôt. Il aurait été fiers de son petit garçon.
Le prix Edmond Brun est un prix biennal alternatif créé en 1980 destiné à un chercheur travaillant dans le domaine de l’astronautique ou dans le domaine de la mécanique des fluides et de la thermique.