Archives de catégorie : Propulsion & Espace

Rencontres du Ciel et de l’Espace

J’étais invité hier à la 11ème édition des Rencontres du Ciel et de l’Espace, qui se déroule du 1er au 3 novembre 2018 à la Cité des sciences et de l’industrie de Paris.

J’ai participé à une table ronde, dans un amphithéâtre bondé, sur Le défi du voyage vers les étoiles. Elle était animée par Alain Cirou, directeur général de l’Association Française d’Astronomie et de la rédaction du magazine Ciel et Espace.
J’ai ainsi débattu pendant une heure avec Pete Worden, directeur du projet Breakthrough Starshot (la partie exploration du programme Breakthrough Initiatives), avec Nicolas Prantzos, astrophysicien à l’Institut d’Astrophysique de Paris, que je remercie encore chaleureusement pour la dédicace de son livre Voyages dans le futur, et avec Pierre Kervella, astronome à l’Observatoire de Paris.

Propulseur ISCT100 v3

Propulseur de Hall ISCT100-v3 à aimants permanents (@ EP team ICARE).

Voici le dernier né des propulseurs de la série ISCT développés au sein de mon équipe. Il s’agit du propulseur ISCT100-v3. C’est un propulseur à aimants permanents de catégorie 100 W. Il succède au propulseur ISCT100-v2 (voir liste des pubications) qui affiche des performances remarquables en xénon dans cette gamme de puissance : 7,5 mN de poussée, 1350 s d’Isp et 39 % de rendement anodique à 130 W.

Le propulseur ISCT100-v3 est destiné à la propulsion des micro-satellites. Son grand rapport poussée sur puissance (60 mN/kW) combiné à une impulsion spécifique de très loin supérieure à celle des propulseurs chimiques et thermo-électriques permet de réaliser des manoeuvres en un minimum de temps et d’atteindre une impulsion totale élevée (> 5 kNs).

Articles

Si vous jeter un coup d’oeil à ma liste de publications, vous trouverez deux nouveaux articles écrit avec, entre autres, mon collègue Igor Levchenko de l’Université de Technologie de Nanyang (NTU) à Singapour :

Prospects and physical mechanisms for photonic space propulsion
I. Levchenko, K. Bazaka, S. Mazouffre, S. Xu, Nature Photonics 12, pp. 649–657 (2018).

Mars Colonization: Beyond Getting There
I. Levchenko, S. Xu, S. Mazouffre, M. Keidar, K. Bazaka, Global Challenges 2, 1800062 (2018).

J’ai enseigné la propulsion par faisceaux de particules, qui englobe la propulsion photonique, à SupAéro il y a quelques années. Ce mode de propulsion spatiale présente deux avantages majeurs par rapport aux autres technologies, i.e. chimique, électrique et nucléaire : i) il n’y a pas besoin d’ergol et ii) la source d’énergie à l’origine de la poussée n’a pas à être embarquée dans le véhicule. En contre-partie, le niveau de poussée est très faible donc la durée du voyage est très longue. Ce type de technologie, non validée in situ, est réservée aux voyages interplanétaires, voire interstellaires. Le projet Breakthrough Startshot en est un bon exemple.
Après un état de l’art sur la propulsion photonique, nous explorons dans cet article publié dans Nature les pistes pour une amélioration des systèmes.

Le deuxième article est le fruit d’une belle aventure. Il traite de l ‘exploration et de la colonisation de la planète Mars mais d’un point de vue inédit jamais abordé en profondeur à connaissance. Il ne s’agit pas ici d’analyser un voyage vers la planète rouge ni même les moyens et méthodes pour sa colonisation, il y a des dizaines, voire centaines, d’articles sur ces sujets, mais de réfléchir à l’après, comme nous l’écrivons. Imaginée une société établie sur Mars, comprenant des centaines, milliers d’individus. Pour que cette société fonctionne correctement, perdure et s’épanouisse, il faudra avoir réfléchi au préalable à sa gestion, ses structures politiques, le droit appliqué, qui régira e.g. la nationalité, les frontières, la propriété, la justice, l’économie, les relations avec la Terre… Nous abordons ces thèmes dans ce papier en essayant de mettre sur table toutes les questions soulevées. Un travail de fourmi sur un thème à la frontière de nos disciplines mais qui s’est avéré passionnant et riche d’enseignements in fine.

Propulseur de Hall en LEGO

Propulseur de Hall ISCT-Lego (@ EP team, CNRS – ICARE)

Je voulais le faire depuis très longtemps ; des années en fait. Mais je n’ai jamais su trouver les heures nécessaires à sa réalisation, jusqu’à cet été. Je tiens donc à remercier ici Alexis (étudiant à l’IPSA) pour son aide plus que précieuse dans la concrétisation de cette envie. De quoi s’agit-il ? D’un propulseur de Hall en LEGO comme le montre l’image ci-dessus. Il est composé de 223 briques LEGO réparties suivant 47 types différents. Sa conception aura nécessité environ 20 heures de travail. Son assemblage prend un peu moins d’une heure.

Cette maquette, ou ce modèle, à votre convenance, représente un propulseur de catégorie 300 W équipé de bobines magnétiques plutôt que d’aimants. On distingue aussi clairement la cathode externe (un peu surdimensionnée ici).

Prix de revient du modèle ISCT-Lego : 50 euros.

MPCS 3

Je viens de participer à la 3ème édition du congrès international MicroPropulsion & CubeSats. Après Bari et Singapour, le congrès, organisé par mon collègue Michael Keidar, se déroulait à Washington D. C. Nous étions une soixantaine de scientifiques, majoritairement américains, réunis à l’Université G. Washington pendant deux jours pour débattre des avancées et nouveautés dans ce domaine en expansion rapide.
Contrairement aux deux premières éditions, un très faible nombre de conférences étaient dédiées aux propulseurs de Hall miniatures, ce qui montre que cette technologie devient mature, avec de nombreux acteurs, mais aussi que les autres technologies progressent.
Plusieurs présentations concernaient les propulseurs ElectroSprays, FEEP, PPT et VAT, avec des exemples de missions passées et à venir ainsi que les retours en vol des missions réalisées par des cubesats équipés des FEEP d’Enpulsion.
On a également parlé des développements des propulseur à micro-ondes de type résistojets (faible impulsion spécifique et forte densité de poussée) avec des carburants alternatifs type S02, H20, NH3, tels que ceux proposés par les sociétés Vacco et Momentus. Busek a révélée les dernières avancées sur son petit moteur ionique à grilles à di-iode équipée d’une cathode RF dérivée de leur moteur car l’iode reste difficile a employé avec cathodes à émetteurs thermoioniques.
Il a bien sûr été question de simulations numériques et de travaux plus fondamentaux, notamment sur les tuyères magnétiques. De notre côté, j’ai présenté les premiers résultats de Diffusion Thomson Incohérente obtenus sur une cathode et un propulseur de Hall de 200 W. Ces études ont été accueillies avec enthousiasme par la communauté ; une fois encore, la France est en avance.

La prochaine édition du congrès MPCS se tiendra à Pékin en Chine en Mai 2019. Quant à la cinquième édition, elle sera organisée en France à Toulouse par moi-même et mon ami Laurent Garrigues avec le soutien du CNES.

Space Propulsion 2018

L’édition 2018 du congrès Space Propulsion se tenait à Séville en Espagne du 14 au 18 mai.
Mon équipe était bien sûr sur place pour présenter des résultats de recherche sur l’écrantage magnétique des petits propulseurs de Hall (P < 300 W) et sur les cathodes/neutraliseurs.

Voilà d’après moi ce qu’il faut retenir de ce congrès :

      • Le nombre de participants avoisinait 700, ce qui démontre l’intérêt de ce congrès européen et sa place sur la scène internationale, son importance pour tous les acteurs du domaine et la bonne santé du secteur spatial.
      • Les travaux de R&D sur les micropropulseurs pour les satellites (CubeSats, micro- et mini-satellites)  prennent de l’importance avec une augmentation significative du nombre de laboratoires, instituts et entreprises (dont des startups) concernés. Aucun type de systèmes propulsifs n’est épargné avec des progrès à tous les niveaux : propulseurs, composants et systèmes. La « révolution d’échelle » est en marche avec à la clé un accès à l’espace plus simple, plus rapide, moins coûteux et des possibilités en termes de missions, exploitation et marché que l’on a encore du mal à cerner dans leur globalité.
      • De nouvelles expériences réalisées par mon collègue Martin Tajmar de l’Université de Dresden montrent qu’il est fort probable – comme je le pense, voir mon article du 2 janvier 2017 – que le concept d’EM-Drive ne génère aucune poussée, contrairement à ce que certains maintiennent depuis des années. Comme je l’ai expliqué à plusieurs reprises, la « poussée » qui semblait avoir été observée dans certaines manipulations est en fait un artefact, une erreur de mesure. Martin a par exemple expliqué lors de sa conférence au SP 2018 qu’il fallait prendre en compte les effets électromagnétiques (inductifs et capacitifs) au niveau des câbles et des structures. Il faut aussi se méfier des effets thermiques et des effets mécaniques dus à la pression de radiation du champ électromagnétique dans la cavité RF. Des expériences très minutieuses sont également en cours au NRL (voir le congrès IEPC 2017). Je suis convaincu qu’elles aboutiront à la conclusion que l’EM-Drive ne génère aucune force et que la loi de conservation de la quantité de mouvement n’est pas violée.

Falcon 9 Block 5

J’ai suivit hier soir en direct avec enchantement le lancement depuis Cap Canaveral de la fusée Falcon 9 Block 5 de Space X. Vol parfaitement réussi avec récupération du premier étage sur une barge située dans l’océan atlantique. Il s’agissait du vol inaugural de la nouvelle version du lanceur Falcon 9, la version quasi finale. Le modèle Block 5 nécessite une maintenance très réduite après récupération ce qui va faciliter sa réutilisation. E. Musk vise 24 heures entre deux lancements consécutifs. S’il y parvient – faisons lui confiance – le domaine connaîtra un bouleversement majeur.

Tout bouge très vite actuellement dans l’aérospatial. Space X réfléchit à la récupération du deuxième étage de Falcon 9 et de la coiffe, de quoi encore réduire les coûts. Blue Origin progresse aussi de son côté et pourrait bientôt concurrencer Space X. La Chine fait peu de bruit mais réalise des pas de géants dans tous les secteurs. L’Europe n’est pas en reste même si elle a les moyens de faire beaucoup mieux. Les grands acteurs se transforment et voient grand. Des startups se créent chaque jour partout sur la planète. Leurs dirigeants, dynamiques et motivés, proposent de nouveaux concepts, des innovations et solutions et des projets qui concernent l’orbite terrestre, la Lune, les astéroïdes, les planètes géantes et leurs satellites, voire les exoplanètes. Des frontières disparaissent. De nouvelles perspectives émergent. Le rêve devient petit à petit réalité.

L’avenir de l’homme se jouera dans l’espace, ou ne se jouera pas.
J’en suis convaincu.

Propulseur à eau

BlackSky est une constellation de plusieurs dizaines de microsatellites destinés à l’observation de la Terre. BlackSky se caractérisera par une fréquence de passage élevée, supérieure à celle de Planet par exemple, et par une offre de services assez large. Les premiers microsats de cette constellation devraient être lancés dans 1 an par un lanceur Falcon 9 de Space X.

Les satellites de BlackSky seront propulsés par le système Comet de Deep Space Industries.

Comet est un résistojet, un propulseur de type électrothermique. Le principe de base d’un résistojet est relativement simple : un ergol sous forme gazeuse est porté à haute température en traversant des éléments chauffants puis détendu à travers une tuyère. La détente transforme l’énergie thermique du gaz en énergie cinétique. La vitesse finale, donc l’impulsion spécifique générée par le système, dépend de la température qui se situe en général entre 1000 °C et 2000 °C. La poussée produite est plutôt liée au débit d’ergol qui peut être assez grand.
Ce type de propulseurs vole depuis les années 1960. L’impulsion spécifique est assez basse, autour de 100-200 s, i.e. comparable aux moteurs chimiques, mais la poussée, comprise entre 10 mN et 1 N, est relativement grande pour un système électrique. Via une optimisation des échanges de chaleur, le rendement peut dépasser 50 %.

Les résistojets sont bien adaptés pour les microsatellites. Le système est compact, simple, facile à intégrer et fonctionne à basse tension, donc peu onéreux. De plus l’efficacité est élevée. Par contre la faible Isp oblige à emporter une quantité d’ergol importante pour réaliser le Delta-v envisagé.
En plus de Comet, il y a d’autres systèmes disponibles chez Busek, SSTL, Mars Space Ltd ou à la TU de Delft par exemple, dont certains ont déjà volé.

En ce qui concerne les ergols pour les résistojets, de très nombreuses études ont été conduites et plusieurs composants ont été testés, voire utilisés, tels que l’ammoniac (NH3), l’hydrazine (N2H4), H2, N2, O2, Xe…
Le propulseurs Comet emploie de l’eau. Plusieurs résistojets ont déjà été testés avec H2O et certains (e.g. SSTL) ont été embarqués sur des satellites et utilisés pour des manoeuvres. L’eau est attractive en propulsion spatiale car son prix est bas, elle n’est pas toxique, se manipule facilement, il n’y a pas de risque de contamination du véhicule et elle se stocke sans difficultés sous forme liquide. Néanmoins ses propriétés physiques (e.g. chaleur latente de vaporisation) conduisent à une dépense énergétique importante.

Le lecteur intéressé trouvera d’autres informations sur BlackSky et Comet dans un article récent de Rémy Decourt publié sur le site Futura Science.

Propulseur aérobie

L’Agence Spatiale Européenne a publié sur son site le 5 mars dernier un article intitulé : « World first firing of air breathing electric thruster« . Il s’agit d’une brève description d’essais d’un propulseur électrique pour satellites fonctionnant avec de l’air comme carburant, c’est à dire d’un propulseur aérobie.

L’objectif est d’utiliser le gaz ambiant comme carburant pour limiter, voire annuler, la masse de carburant embarquée. Les propulseurs de Hall et les moteurs ioniques à grilles couramment employés sur les satellites géostationnaires fonctionnent avec du xénon, un gaz rare onéreux. En remplaçant le xénon par de l’air, on réduirait fortement la masse totale du satellite, ce qui se traduirait par une baisse significative du coût. On comprend donc l’intérêt de tels travaux.
Le journaliste Rémy Decourt, du magazine en ligne Futura Sciences, a publié récemment un article sur les propulseurs aérobies, auquel j’ai participé : « Ce moteur ionique étonnant carbure à l’atmosphère ».

Un tel propulseur ne peut fonctionner correctement qu’à une altitude relativement faible, autour de 150 km, car la densité de l’air diminue lorsque l’altitude augmente. Mais même à cette altitude, l’ensemble propulsif doit être équipé d’un collecteur ayant un diamètre relativement grand, générant donc une force de traînée supplémentaire, et d’un système de compression du gaz avant son injection dans la chambre à décharge plasma du propulseur. Un propulseur aérobie est donc un propulseur plus complexe, plus lourd et plus encombrant qu’un propulseur classique opérant avec du xénon.
Néanmoins, l’option aérobie est sans doute intéressante pour certaines missions à basse altitude car la durée n’est alors plus limitée par la quantité de carburant embarquée. Je pense en particulier à des missions scientifiques telles que GOCE.

Il y a déjà eu de nombreuses recherches dans le passé sur des propulseurs aérobies basés sur des PH, MIG, PPT et arcjets. On a par exemple étudié dans mon équipe les performances d’un propulseur de Hall fonctionnant avec de l’azote (N2). Les travaux dans leur ensemble montrent que les performances en termes de poussée et rendement sont relativement faibles, bien inférieures à celles obtenues avec du xénon. Cette détérioration a deux origines principales : i) l’énergie d’ionisation de N2, O2 et O est élevée et ii) de part leur faible masse ces composés ont un temps de résidence dans le propulseur relativement court. Mais la baisse du rendement, point négatif, peut largement être compensée par le gain lié à l’emploi d’un carburant  » externe « . Pour les PH et MIG, il faut aussi résoudre le problème de la cathode et du neutraliseur qui fonctionnent actuellement avec un plasma de xénon et dont les matériaux sont sensibles à l’oxygène.

On peut bien sûr imaginer d’autres carburants pour d’autres missions. La société américaine BUSEK développe par exemple un concept similaire mais pour l’exploration de la planète Mars dont l’atmosphère est composée majoritairement de CO2.

Falcon Heavy

Décollage de la fusée Falcon Heavy de Space X depuis Cap Canaveral le 6 février 2018.

Je viens de regarder en direct (21h45 heure de Paris) le lancement de la fusée Falcon Heavy depuis Cape Canaveral sur le site de Space X. Avec ses 27 moteurs Merlin 1D qui lui donnent la capacité de placer 63,8 tonnes de charge utile en orbite basse, Falcon Heavy est aujourd’hui le lanceur le plus puissant en service. Mais il reste néanmoins loin derrière la gigantesque fusée Saturn V.

Waouh ! Extrêmement impressionnant. Une superbe réussite pour l’entreprise d’Elon Musk. Un fait majeur dans l’histoire de l’Homo-Spatialis. Le 6 février 2018 ne sera plus désormais un jour comme les autres. Et que dire de l’atterrissage synchronisé des deux boosters latéraux ! Un moment presque magique. Je vous invite à visionner cette séquence si vous ne l’avez pas vue.

Même si l’étage central n’est pas récupéré (pour l’instant Space X ne donne pas d’information sur l’atterrissage prévu sur la barge en mer), c’est un grand événement qu’il faut célébrer. Un pas de plus vers la conquête du système solaire.
Les images du Tesla Roadster voguant dans l’espace avec Monsieur Starman équipé de sa combinaison spatiale étaient elles aussi à couper le souffle.

Il y a du génie dans tout ça. Il est évident que Space X a encore plusieurs longuers d’avance, mais un tel événement suivit par des millions de personnes ne manquera pas de motiver les concurrents. L’histoire est loin d’être terminée. Tant mieux.

PS : J’ai eu la chance de visiter le complexe de lancement 39 (LC 39) de Cape Canaveral, d’où sont partis Saturn V et la navette spatiale, il y a deux ans et demi. Le pas de tir 39A était alors en cours de réaménagement pour accueillir le lanceur Falcon Heavy.