La méthode scientifique

J’étais l’un des invités hier après-midi de l’émission La Méthode scientifique de France Culture animée par Nicolas Martin. Le sujet du jour : Voyage spatial, vers l’infini et au-delà. Vous pouvez ré-écouter l’émission ici.

Un très bon moment (trop court à mon goût) passé en compagnie de Richard Heidmann, Polytechnicien, ancien ingénieur en propulsion spatiale chez SAFRAN, fondateur et vice-président de l’association Planète Mars. J’espère que les auditeurs auront apprécié et appris.

4 commentaires

  1. Après une première écoute de l’émission où étaient conviés Richard Heidmann et Stéphane Mazouffre je donne les premières réflexions qu’elle m’a inspirées :

    – Vers 4’43 Stéphane donne comme point faible du moteur-fusée classique le fait qu’il épuise très très rapidement les réservoirs (de propergols). En fait, je pense que son expression est malheureuse et peut induire en erreur la compréhension de l’auditeur. Ce que je vais expliquer servira à Stéphane pour sans doute mieux présenter le sujet dans les cours d’analyse de mission qu’il donne. En fait, bien au contraire, pour maximiser le rendement de son opération et donc minimiser sa consommation, le moteur a bien intérêt à brûler le plus rapidement possible les propergols nécessaires à l’obtention de l’ accroissement de vitesse qu’on lui demande et ce surtout, si décollant de la Terre, il doit vaincre la résistance due à la pesanteur sur la fusée. Il n’y a aucun avantage, bien au contraire, hormis pour des questions de charges dues à la résistance de l’air ou d’accélération maximale que peut supporter le matériel ou plus vraisemblablement les passagers, à chercher une ascension douce de la fusée. Par contre lors d’un usage d’un moteur-fusée en apesanteur cet avantage s’estompe. Mais pour la phase de décollage il faut bien faire pousser le moteur au maximum de ce qu’il est capable dans les limites que j’ai indiquées.

    – Un autre point où Stéphane s’est fourvoyé c’est à partir de 49′ 40 quand il parle avec assurance (la même que pour l’Em-Drive, pardon Stéphane c’est trop tentant) de l’impossibilité de stocker, confiner l’antimatière (antihydrogène) qui va forcément s’annihiler avec les parois du réservoir. Je suis désolé Stéphane, mais je sais de première main que des physiciens américains venaient régulièrement s’approvisionner en antihydrogène au CERN de Genève qu’ils stockaient dans des sortes de bouteilles transportables à la main, permettant une conservation de plus d’un an de cette anti-matière et de l’en extraire pour utilisation. Ces réservoirs ont une autonomie en cas de coupure de l’alimentation de l’ordre de 10 heures. Ces dispositifs sont utilisés pour pouvoir continuer à faire des expériences sur l’anti-matière lorsque les accélérateurs qui la produisent sont à l’arrêt ou pour tout simplement ramener aux USA par avion commercial, de l’anti-matière produite au CERN. Ceci dit il est vrai que les accélérateurs ne peuvent produire que de faibles quantité d’anti-matière (c’est un sujet utilisé par le mathématicien Alain-Connes dans un roman qu’il a écrit avec son épouse sur sa conception du temps).

    – Enfin à partir de 54’37 c’est Richard Heidmann qui dépasse ses limites lorsqu’il parle des lois de conservation de l’énergie, de la quantité de mouvement comme découlant des propriétés de la géométrie de l’Univers (on ne peut pas s’en débarasser comme ça dit-il). Il fait sans doute allusion aux théorèmes sur les symétries de Nœther et là il a justement tout faux car il n’est pas du tout sur que les hypothèses de ces théorèmes soients satisfaites par la géométrie de l’espace-temps à l’échelle de l’univers.
    On pourrait penser que Richard Heidmann fait amende honorable en disant que ces sujets ne devraient pas être abordés par de simples ingénieurs (sans doute comme lui …) sauf que l’inventeur de l’Em-Drive est un ingénieur anglais qui a eu bien raison de ne pas s’arrêter à de telles considérations qui en disent long sur le conditionnement sans doute scolaire de leur auteur.

  2. Merci pour les conseils…
    Pour le point 1), je pense que vous voulez dire que la poussée étant le produit du débit massique de matière fois la vitesse d’éjection, il faut délivrer une grande quantité de matière pour produire une force capable de vaincre la gravitation et la résistance de l’air. C’est tout à fait vrai. Mais la quantité de matière s’épuise vite car la vitesse d’éjection est faible. C’est le grand point faible de la propulsion chimique car cela signifie que l’on ne peut pas accélérer sur une longue durée, donc l’incrément de vitesse que peut atteindre le véhicule est limité.
    Concernant le point 2), je n’ai jamais entendu parler de transport d’anti-matière. Je ne vois pas non plus comment on fait  » sortir  » cette matière du réservoir de stockage. L’antimatière ne se stocke que sur un temps très court (sauf dans les romans) car étant neutre on ne peut pas la confiner avec des champs E et B. On peut utiliser la pression de radiation produite par des lasers. Notez que même si on crée de l’anti-matière chargée (ce qui est en fait le plus souvent le cas avec le positon et l’anti-proton ; la fabrication d’un anti-atome d »hydrogène est relativement récente), un confinement électromagnétique ne serait pas d’une durée infinie à cause de la diffusion.

  3. Ce que je veux dire c’est que toutes choses égales par ailleurs (vitesse d’éjection des gaz, vitesse finale de la fusée), en cas de présence de pesanteur, une fusée aura à consommer une masse moindre de propergols si elle les brûle le plus vite possible. Cela est une conséquence directe de l’intégration de l’équation de son mouvement.

    Pour la conservation et le transport l’antimatière on utilise des atomes d’antihydrogène (proton négatif et électron positif) piégés par un fort champ magnétique interagissant avec le spin dans une cavité à très basse température où règne un vide poussé.

    Ces dispositifs existent depuis plusieurs années. Vous trouverez dans l’article relativement récent « A reservoir trap for antiprotons » arXiv:1507.04147v1 [physics.atom-ph] 15 Jul 2015 quelques éléments de description. Je pense que la description technique de ces « Penning-trap system » devrait vous parler car on y trouve des électrodes hautes tension pour réaliser les opérations d’injection et d’extraction de cet antihydrogène.

    Je sais qu’à côté du principe de ce confinement magnétique, il avait été question il y a quelques années d’utiliser certains cristaux où l’antihydrogène pouvait trouver une place stable (sans interaction destructrice avec la matière ordinaire) à température ambiante si je me souviens bien. Je ne sais pas si ce piégeage dans la matrice d’un cristal est allé au-delà d’une réflexion théoriquen et si ce cristal ne devrait pas être synthétisé.

    Je connais deux auteurs de romans qui ont employé ces bouteilles de stockage dans leurs intrigues : le mathématicien Alain Connes et Dan Brown. Ils ont sans doute poussé le bouchon un peu loin en ce qui concerne la quantité d’anti matière stockée ! Chez Alain Connes à l’épuisement du système d’alimentation électrique la bouteille explose et ravage un laboratoire du CERN et Dan Brown si je me souviens bien, l’utilise comme petite bombe atomique indétectable (pas de radiation d’une masse fissible) destinée à détruire le Vatican. Mais le dispositif existe bel et bien.

  4. Je vois de quel type de pièges il s’agit ; ils sont courants en physique des particules et des atomes froids. On peut en effet jouer avec le spin du proton et de l’électron (ou de leur anti-particule) pour limiter la diffusion. On peut ainsi piéger et transporter des antiprotons et des antiélectrons. Mais il s’agit de particules chargées électriquement. Je suis étonné que l’on puisse le faire d’une façon efficace avec un atome ou un anti-atome. Je vais lire l’article que vous mentionnez.

    L’utilisation d’un solide comme piège est intéressante. On doit – au moins théoriquement – grandement augmenter la durée du stockage.

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