Probable découverte du boson de Higgs

Le CERN vient d’annoncer la découverte d’une particule ayant une masse de 125 GeV grâce à l’accélérateur LHC et ses deux détecteurs ATLAS et CMS. D’après les physiciens, il y a une très forte probabilité pour que cette nouvelle particule soit le fameux boson de Higgs recherché depuis cinquante ans (lire mon billet du 14 décembre 2011).

Cette annonce fait la une de la presse, ce qui est plutôt inhabituel pour un fait scientifique. Néanmoins, si la découverte est confirmée dans les mois à venir (je n’en doute pas), il s’agirait d’une avancée majeure dans notre compréhension de l’Univers et du monde qui nous entoure.

Le boson de Higgs, dont l’existence a été prévue dans les années 60 par les physiciens des particules Brout, Englert et Higgs (l’histoire n’a retenu que le dernier nom), est la particule manquante du modèle standard. Ce dernier offre un cadre théorique qui unifie trois des quatre interactions fondamentales : la force électromagnétique et les forces nucléaires forte et faible. Dans ce modèle, toutes les particules doivent avoir une masse nulle (ce qui n’est à l’évidence pas le cas) sauf si le boson de Higgs existe. Avec lui, la masse ne serait plus une propriété intrinsèque mais elle découlerait d’interactions avec le champ de Higgs.

Le lecteur intéressé trouvera de nombreux articles et ouvrages vulgarisés sur le boson de Higgs et sur le modèle standard. Je ne vais donc pas m’étendre sur le sujet. Je voudrais simplement tenter d’expliquer, de manière imagée, comment la masse naît dès l’on fait intervenir le boson de Higgs. J’ai trouvé la première explication claire et compréhensible du mécanisme en jeux dans l’ouvrage de B. Green intitulé « The elegant Universe ». Je reprends ici la même approche mais de façon simplifié ; il s’agit du modèle du cocktail.
Imaginez une belle et grande fête organisée dans une salle ou un jardin. Le but – non avoué – de chaque invité est d’accéder au bar pour se faire servir un cocktail. Une célébrité fait son apparition (G. Clooney, H. Simpson, F. Hollande… au choix). Le personnage attire très vite les gens qui s’agglutinent autour de lui. Le trajet vers le bar est un enfer interminable. Si l’on prend ici l’inertie comme analogie à la masse, vous comprenez que la masse de notre guest star est très élevée du fait de son interaction avec tous les badauds (les bosons de Higgs) situés sur son chemin. Puis un illustre inconnu arrive, invité par erreur et que personne ne connait. Son trajet vers le bar est direct, sans encombre. Je ne garantis pas le trajet en sens inverse après x cocktails mais on comprend aisément que sa masse est très faible, voir nulle. Un badaud peut bien sûr se voir empêcher d’avancer par d’autres badauds. Le badaud a donc probablement lui aussi une masse. Voilà. Vous savez tout ou presque sur le rôle du boson de Higgs et sur le processus à l’origine de la masse des particules et donc de tout objet (bien que la masse d’un objet macroscopique ne soit pas uniquement donnée par l’interaction de type Higgs).

Les travaux des équipes du LHC sont loin d’être terminés. Il faut d’abord, comme je l’écrivais, confirmer que la particule détectée est bien le fameux boson. Ensuite il faudra savoir si le boson de Higgs est bien une particule élémentaire (i.e. indissociable) et comprendre comment ce dernier acquière une masse. Un fois cela fait (ce qui prendra plusieurs mois, voir plusieurs années), il faudra alors se tourner vers d’autres particules comme les WIMPs ou le graviton, vérifier l’existence de la supersymétrie et pourquoi pas observer des cordes.

4 commentaires

  1. C’est vraiment incroyable (émouvant même) que nous puissions vivre ce moment historique dans la science. L’être humain, avec son cerveau insignifiant (par rapport à la taille de l’univers) a été capable de comprendre l’origine de la masse! Enfin, presque ; il reste encore des problèmes à résoudre (énergie et matière noire par exemple).

    Je voulais juste dire un mot par rapport à ton analogie de la fête cocktail. J’écoutais le directeur du CERN, Rolf Heuer, en direct hier et il a donné une analogie similaire, sauf qu’il a utilisé l’image d’une salle remplie de journalistes. Dans son analogie, les journalistes (les invités dans ton cas) sont plutôt l’analogue du champ d’Higgs et non des bosons d’Higgs. Le boson, d’après M. Heuer, était lui une manifestation de ce champ, par exemple quand tous les journalistes se forment en groupe resserré pour discuter d’un rumeur. Ben, c’est comme ça que j’ai compris en tout cas.

    J’ai décrit cette analogie plus en détail sur mon nouveau blog (et oui, il fallait que je te fasse de la concurrence 😉 )

  2. C’est un moment très émouvant en effet pour les scientifiques.
    Historique comme tu l’écris. Une découverte majeure de ces 20 dernières années (je mets en parallèle la découverte de l’accélération de l’expansion de l’Univers).
    Mr R. Heuer a en fait raison. Il est plus précis que moi. La masse est donnée par le champ de Higgs dont le boson éponyme est le vecteur (je ne suis pas allé si loin sur mon blog).
    Félicitation pour ton blog !
    Quelle est l’adresse ?

  3. L’analogie du cocktail est née en 1993 d’une initiative d’un ministre britannique de la recherche, William Waldegrave, qui avait mis au défi la communauté scientifique d’expliquer le boson de Higgs aux parlementaires sur le recto d’une feuille de format A4. C’est David Miller, University College de Londres, qui a proposé, dessins à l’appui, cette analogie très populaire dans le milieu des hautes énergies.
    Les physiciens des plasmas sont particulièrement bien placés pour comprendre le sens de la théorie. Si l’on multiplie par le carré de la constante de Planck réduite les trois termes de la relation de dispersion d’une onde électromagnétique dans un gaz d’électrons, on obtient en termes d’énergie impulsion la formule d’invariance relativiste d’un quadrivecteur. Tout se passe comme si le photon acquérait une masse proportionnelle à la fréquence de plasma grâce à l’inertie des électrons mis en mouvement. Tous les ingrédients sont là: le champ de Higgs est représenté par les électrons et la brisure de symétrie vient du fait que seules les charges négatives sont impliquées. Les bosons de Higgs sont alors les quanta associés aux ondes de plasma électroniques: plasmons. Rien de ceci n’est vraiment nouveau. En 1963, le physicien de la matière condensée PW Anderson avait anticipé les travaux de Higgs et consorts en établissant le parallèle entre supraconducteurs et théorie des champs d’où entre plasmon et boson qui n’était pas encore de Higgs.

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