Archives de catégorie : Sciences

Fête de la Science

Pour l’édition 2016 de la Fête de la Science, le campus CNRS d’Orléans a ouvert ses portes aux visiteurs durant le weekend du 15-16 octobre.
La campus a ainsi acceuillit sous un beau soleil plus de 4000 visiteurs, preuve s’il en est que la Science intéresse. Quant à l’ICARE, plus de 1000 personnes se sont rendues dans nos locaux et ont pu voir diverses expériences en combustion, plasma et propulsion et plusieurs salles de manipes.
Tous les membres de mon équipe ont bien sûr participé à cet événement et ont pris plaisir à échanger avec le public, à expliquer nos travaux et le contexte associé, à répondre aux questions et interrogations et à faire partager leur passion et leur vision de la conquête spatiale. Les curieux ont ainsi pu voir le propulseur de Hall P2D2 en tir dans son petit caisson ainsi que le propulseur PPS1350-ML en fonctionnement dans le moyen d’essais PIVOINE-2G.

La Fête de la Science est un événement majeur et très important à mes yeux car il met directement et facilement le public en contact avec les organismes de recherches et les chercheurs.
Communiquer et vulgariser nos savoirs et nos résultats représente pour moi un devoir, d’autant plus qu’une grande partie des études sont conduites avec des fonds publics. Le citoyen a donc un droit d’accès à l’information. Cette démarche d’ouverture est aussi capitale pour la société car elle participe à l’éducation, des petits comme des grands, au sens large et, je l’espère, elle permet de faire naître des vocations.
Car oui, Chercheur est un beau et noble métier.

Escapade belge

J’étais la semaine dernière au Von Karman Institute for Fluid Dynamics à Waterloo dans la banlieue sud de Bruxelles.
Je participais à un séminaire OTAN sur la propulsion électrique : Electric Propulsion Systems: from recent research developments to industrial space applications. J’étais un des orateurs invité. J’ai donné un cours intitulé Laser-induced fluorescence spectroscopy applied to electric thrusters dans lequel j’ai détaillé la technique de spectroscopie de LIF et présenté ses applications en PE à travers une série de résultats récents.

J’ai aimé revenir au VKI où j’avais effectué un cours séjour en 2001, peu avant de soutenir ma thèse de doctorat à Eindhoven. J’ai d’ailleurs retrouvé sur place deux camarades avec qui j’avais sympathisé à l’époque et qui sont aujourd’hui en poste dans l’institut. C’est un lieu agréable, chargé d’histoire et mondialement réputé pour la qualité des recherches qui y sont menées. J’ai également revu plusieurs collègues et amis français et étrangers avec qui je prends toujours un grand plaisir à discuter, de science et de propulsion spatiale bien sûr, mais aussi de bien d’autres sujets.
Ce fut un beau séjour dans une région que j’ai toujours trouvé agréable. J’espère y revenir sans attendre 15 ans.
Une seule ombre au tableau, le retour à Orléans fortement perturbé par les grèves contre la loi travail du gouvernement.

Space Propulsion 2016

J’étais à Rome il y a une semaine où se déroulait le 5ème congrès Space Propulsion, après avoir participé aux quatre éditions précédentes en Sardaigne, en Crête, à Bordeaux et à Rome.
Il y avait cette année un nombre record de participants, avec plus de 600 congressistes. Ce congrès a été l’occasion de revoir de nombreux collègues et amis, de discuter de projets en cours et futurs et de présenter les travaux de l’équipe sur l’écrantage magnétique pour les PH, sur les cathodes et sur le propulseur AIPE à plasma ion-ion.
Sur l’ensemble des sessions plénières, je retiendrai les mots clé suivants : collaboration (entre nations), entrepreneuriat (à développer), puissance nucléaire comme source d’énergie et low-cost (il faut réduire les coûts, des lancements mais aussi des plateformes donc des systèmes propulsifs, chimiques et liquides). Il a également beaucoup été question des méga-constellations de micro satellites, comme le projet One Web.
En ce qui concerne la PE, je retiendrai la forte activités de recherches sur les cathodes, l’intérêt porté aux carburant alternatifs tels que le di-iode et les avancées en micro-propulsion.

J’ai aussi profité de ce séjour pour visiter la ville de Rome avec Estelle sous le soleil. C’est l’une des plus belle ville que j’ai eu l’occasion de parcourir avec des surprises à chaque coins de rue, de superbes monuments à profusion et une ambiance italienne inimitable.

 

Red Dragon

Space X, que je ne présente plus, vient d’annoncer l’envoi en 2018 d’une capsule non habitée basée sur le vaisseau cargo Dragon vers la planète rouge. C’est l’opération Red Dragon. Rien de moins que la première mission privée vers Mars avec comme objectif premier la démonstration de la faisabilité d’un déploiement massif de matériel sur le sol martien.

La capsule sera lancée par la fusée Falcon Heavy, trois fois plus puissante que l’actuelle Falcon 9, et qui devrait effectuer son premier vol en fin d’année. Le calendrier est donc serré pour la firme d’E. Musk.
On en saura plus lors du prochain congrès IAC qui se tiendra à Guadalajara au Mexique en septembre.

Space X prend une autre longueur d’avance. Je ne serais pas surpris de voir E. Musk atteindre son rêve et installer une colonie sur Mars. C’est l’audace et la prise de risques qui font la différence. C’est aussi la marque des grands hommes.
L’Europe est loin derrière avec son lanceur Ariane 6 dont le premier vol est prévu vers 2020.
Il nous reste l’option du Village Lunaire, idée que défend l’actuel directeur de l’ESA et à laquelle j’adhère. La Lune me semble être l’étape obligée avant d’envisager aller plus loin. On pourrait apprendre beaucoup sur nos capacités à vivre en dehors de la Terre. On pourrait aussi y développer des technologies d’exploitation des ressources et de construction de systèmes spatiaux. Cela rendrait l’exploration du système solaire plus sure et moins coûteuse.
Hélas je ne ressens pas beaucoup d’enthousiasme dans la communauté.

Of course I still love you

Non, ce n’est pas une déclaration d’amour, même si ça pourrait.
C’est le nom de la deuxième barge autonome de récupération du lanceur Falcon 9 de Space X. La première s’appelle « Just Read the Instructions ». Les noms ont été donnés en hommage à l’auteur de science fiction Iain M. Banks. Ces deux noms apparaissent dans la nouvelle intitulée « The Player of Games ».

Un clin d’oeil à Space X donc qui vient de poser avec succès le premier étage de sa fusée Falcon 9 sur Of course I still love you. Je vous invite à voir la vidéo. Les images sont impressionnantes.
Une première, une de plus, après la récupération réussit d’un autre étage en décembre dernier sur la terre ferme. Félicitations à Elon Musk et à toute son équipe. Champagne et cigare cette fois.

Space X prend de l’avance, en particulier sur Arianespace et ASL qui préparent Ariane 6. Ces derniers vont devoir aller vite et prendre des risques, ce qui n’est hélas pas dans les habitudes européennes.

 

Exposition au Palais de la Découverte

L’exposition Explorons l’Univers avec la Propulsion Ionique a débuté au Palais de la Découverte à Paris la semaine dernière. Elle se terminera le 29 Mai prochain.
Cette exposition s’inscrit dans le cadre du concept Un Chercheur – Une Manip qui consiste à faire communiquer des chercheurs directement avec le grand public à travers des conférences-échanges-débats et des expériences avec l’espoir de créer ou consolider des vocations.
Lorsque nous avons été sélectionnés il y a 10 mois, grâce à l’impulsion de mon amie et collègue Sedina, nous nous sommes lancés un défi de taille : construire en 9 mois, en partant de zéro, une installation dédiée à la propulsion électrique pour les satellites et les sondes spatiales. Pari gagné grâce au travail acharné et à l’enthousiasme de tous les membres de l’équipe. Mes remerciements vont en particuliers à Denis, Guillaume, Julien, Lou, Nicolas, Romain et Sedina. Un grand merci également à Romain (n°2 ou du Palais), qui n’a pas compté la dépense énergétique, et sans qui tout cela n’aurait sans doute pas abouti.

Si vous faites un tour au Palais de la Découverte dans les semaines qui viennent, vous verrez ainsi une expérience complète de propulsion électrique qui montre le propulseur de Hall ISCT-100 de 100 W en fonctionnement avec du xénon dans une petite chambre à vide (voir mon billet du 6 février). Vous pourrez également assister à des conférences données par les membres de l’équipe et débattre autour de la propulsion, de l’exploration de l’Univers et de bien d’autres sujets.

ISCT est un acronyme qui signifie : ICARE Small Customizable Thruster. Il s’agit du terme générique employé désormais pour tous les propulseurs de Hall développés dans l’équipe. Le ISCT-100 est l’un des plus petits propulseur de Hall au monde. Dans un avenir proche, un tel système pourrait équiper les petits satellites opérant à basse altitude pour des manoeuvres de transfert d’orbite, de compensation de traînée ou de correction de trajectoire.

Voir la bande annonce de l’événement. 

Vidéo du propulseur ISCT-100 en tir : démonstration de la production d’une poussée.

Les plasmas froids réchauffent l’innovation

Il s’agit d’un article de Martin Koppe qui vient de paraître dans le journal du CNRS : Plasma.
Cet article, qui est illustré par de très belles photographies, propose un tour d’horizon des dernières avancées technologiques basées sur la physique des plasmas froids, domaine dans lequel je travaille depuis bientôt vingt ans. Le lecteur trouvera exposé de façon claire et synthétique des informations concernant des recherches récentes sur les économies d’énergie dans le domaine de l’éclairage, sur l’application des plasmas froids en médecine et naturellement sur la propulsion pour les vaisseaux spatiaux. Sur cette dernière thématique, il est notamment question du concept novateur de propulseur sans parois sur lequel j’ai écrit à plusieurs reprises sur ce blog.

Dans le domaine de la physique des plasmas, on distingue habituellement trois grandes familles de plasmas :

  • les plasmas froids qui sont faiblement ionisés et pour lesquels la température des électrons reste faible (Te < 10 eV),
  • les plasmas spatiaux qui sont fortement ionisés, à faible densité et dont les échelles caractéristiques sont très grandes,
  • les plasmas chauds ou plasma de fusion qui sont très fortement ionisés, dense et qui possèdent une température ionique et électronique très grande (Te >> 100 eV).

La très grande majorité des applications industrielles, dont la propulsion spatiale, font actuellement appel aux plasmas froids.

Les ondes gravitationnelles observées

Il y a deux semaines, les physiciens américains de l’expérience LIGO annonçait la découverte des ondes gravitationnelles. Ces ondes sont des oscillations de la courbure de l’espace-temps se propageant à la vitesse de la lumière. Leur existence a été prédite par Albert Einstein en 1916 à partir de sa théorie de la relativité générale.
Les interféromètres de LIGO ont détecté un signal qui correspond à l’onde gravitationnelle produite par la collision puis la fusion de deux trous noirs massifs d’environ 30 masses solaires chacun, événement qui s’est produit il y a 1,3 milliard d’années.

On ne pouvait pas imaginer une plus belle découverte pour célébrer dignement le centenaire de la relativité générale d’Albert Einstein. L’annonce a fait toutes les unes, éclipsant quelques instants les mauvaises nouvelles qui nous inondent. C’est amplement mérité car il s’agit d’une avancée majeure qui ouvre une nouvelle fenêtre sur l’étude de l’Univers, de sa dynamique et de son origine. Nul doute désormais que dans les mois et les années qui viennent, des ondes gravitationnelles, témoins de phénomènes cataclysmiques, seront découvertes par centaines. Une fois que les interféromètres se seront perfectionnés et que de nouveaux instruments entreront en service, comme l’interféromètre eLISA de l’Agence Spatiale Européenne, de telles ondes seront observées quotidiennement et notre vision de l’Univers sera probablement modifiée, voire bouleversée, par les connaissances ainsi acquises.

Les scientifiques de LIGO, et leur collègues européens qui pilotent l’instrument VIRGO, signent là le dénouement d’une quête qui a débuté il y a un siècle. Ils ouvrent ainsi la voie à une nouvelle physique, rien de moins. Les félicitations doivent en particulier être adressées au très respectable Professeur Kip Thorne à qui ont doit en grande partie l’expérience LIGO. Chapeau bas, Kip.

La découverte des ondes gravitationnelles, comme celles du boson de Higgs, des exoplanètes, de l’expansion accélérée de l’Univers, du fond diffus cosmologique, et bien d’autres, démontrent le niveau d’intelligence que notre espèce a su atteindre en seulement quelques millénaires. Ces découvertes sont pour moi l’expression de ce qu’il y a de meilleur dans l’être humain. Il s’agit de s’unir pour accumuler de la connaissance, en faire profiter le plus grand nombre, faire progresser nos sociétés et repousser les limites. Hélas, et à mon grand désespoir, le côté sombre de l’humain semble encore dominer. Pour s’en convaincre il suffit d’ouvrir un journal ou d’allumer sa télévision. La misère, la guerre, le déni, la domination de la finance remplissent les pages et les écrans chaque jour. Quand allons-nous enfin changer de cap ? Bientôt je l’espère, avant qu’il ne soit trop tard. Nous devons tous œuvrer dans ce sens, à chaque instant, par tous les moyens.

Premier tir du P2D2

Propulseur P2D2 en tir avec du krypton

Il y a deux semaines, le propulseur de Hall P2D2 a effectué avec succès son tir de validation dans la petite chambre à vide qui lui est dédiée. La photographie ci-dessus montre le P2D2 en tir avec du krypton à 150 V dans une chambre de 30×30×30 cm3. Cette semaine le propulseur a fonctionné sans problème avec du xénon à 250 V.

Le P2D2 (acronyme pour Petit Propulseur De Démonstration) a été développé et construit dans l’équipe par Julien Vaudolon à la fin de sa thèse de doctorat. Il s’agit d’un propulseur à aimants de moins de 3 cm de diamètre qui opère nominalement à une puissance de 100 W. La version actuelle présente une topologie magnétique standard. Une version en configuration à écrantage magnétique est en cours de mise au point. En parallèle, une cathode de petite taille est en développement sous la direction de Romain Joussot. La réalisation de la chambre à vide et les essais du propulseur ont été menés par l’ensemble de l’équipe, mais je tiens à remercier plus particulièrement Denis, Lou et Guillaume pour leur enthousiasme et leur efficacité.

Cet ensemble est destiné aux études et à l’optimisation des propulseurs de Hall de petites dimensions et travaillant à des puissances ≤ 100 W. De tels propulseurs pourraient équiper des micro-satellites opérant en orbite basse et destinés à l’observation, aux communications et à des expérimentations.
Néanmoins, l’objectif premier de cet expérience est d’une autre nature. Elle a été conçue pour une exposition au Palais de la Découverte à Paris qui aura lieu du 21 Mars au 29 Mai prochain dans le cadre du programme Un Chercheur – Une Manip. L’exposition s’intitule : Explorons l’Univers avec la propulsion ionique. Il s’agit de faire découvrir au plus grand nombre la propulsion électrique pour les véhicules spatiaux. C’est la première fois qu’une expérience de cette envergure est construite de A à Z pour ce programme. Un beau défi que notre équipe a su relever en un temps relativement cours, moins d’un an, en grande partie grâce à la volonté de mon amie Sedina. Je remercie aussi nos sponsors sans qui le P2D2 et son installation n’aurait jamais vu le jour : Le CNRS, le CNES, le Palais de la Découverte, ICARE et le LabEx Caprysses.

Rendez-vous au Palais de la Découverte à partir du 21 Mars.

Faut-il déjà programmer Ariane 7 ?

Le lanceur européen Ariane et sa privatisation via l’entreprise ASL, voilà un sujet de conversation qui revient souvent dans l’équipe. Ce sujet a naturellement animé nos pauses en ce début d’année 2016, après la récupération le 21 décembre dernier du premier étage d’une fusée Falcon 9 de la société Space X. Une prouesse technique qui marquera le domaine de la conquête spatial. Cet étage est d’ailleurs destiné à finir ses jours dans un musée.
La société du milliardaire Elon Musk a annoncé vendredi qu’elle venait de tester le ré-allumage au sol de l’étage récupéré. Tous les acteurs de l’astronautique et tous les amateurs attendaient cette étape avec impatience. Et ce fût un succès (lire par exemple l’article de SpaceNews). Un très bel exploit qui couronne un travail acharné et une volonté à toute épreuve mais qui ne fait pas plaisir à tout le monde, loin de là.

Le prochain lanceur européen sera Ariane 6, dont la livraison est prévue vers 2020. Il s’agit entre autres de répondre à l’offre de Space X et des autres concurrents en développant un lanceur plus léger et mieux adapté qu’Ariane 5 aux futures générations de satellites. Ces derniers temps on a pu lire dans la presse, spécialisée et non (je vous recommande en particulier l’article paru sur le site de l’IVERIS), de très nombreux articles qui remettent en cause le modèle choisi pour Ariane 6 avec deux critiques majeures : la privatisation, qui de fait met l’ESA et les états européens à l’écart, et le double jeu d’Airbus D&S qui se retrouve fabricant de satellites et de lanceurs. Il faudra également voir comment fonctionne l’association entre ASL et Arianespace, la société française chargée de la commercialisation des lanceurs de l’ESA, Ariane et Vega. La privatisation était à mes yeux nécessaire pour garantir une réponse rapide, et j’espère efficace, face à la montée en puissance des américains, indiens, japonais, coréens et chinois. Quant à la position d’ADS, l’avenir nous dira si les clients sont réticents ou non.
Mais avec le double succès de Space X, une autre question se pose désormais. Ariane 6 est-elle déjà dépassée, alors même qu’elle n’a pas encore vu le jour  ? Autrement dit, l’avenir des lanceurs passera-t-il pas la réutilisation des composants. La réponse est complexe et il reste beaucoup de chemin à parcourir, même pour Space X qui a certes plusieurs longueurs d’avance. Le modèle économique est-il viable ? Rien n’est certain et l’échec, sur ce point là, de la navette américaine doit faire réfléchir. On gagne d’un côté avec l’utilisation des mêmes composants pour plusieurs lancements mais on perd de l’autre car on produit moins de composants. De plus il faut en parallèle augmenter le degré de fiabilité et minimiser la maintenance. Si les lanceurs réutilisables demeurent un doux rêve, Space X restera dans l’histoire, et Ariane 6 fera son chemin. Si, au contraire, il s’agit de la voie du futur, l’Europe risque encore une fois d’arriver en retard et de faire payer la facture à ses contribuables. Au pire, la belle lignée des lanceurs Ariane pourrait s’éteindre.