Archives de catégorie : Propulsion & Espace

Explosion du lanceur Falcon 9 : une piste sérieuse

Le jeudi 1 septembre, une fusée Falcon 9 de SpaceX explosait sur son pas de tir lors d’une phase de test avant lancement. Cet accident a eu un grand retentissement car il a surpris beaucoup de monde et mis en doute le modèle SpaceX et sa capacité à reprendre rapidement les tirs pour satisfaire les commandes. Je n’ai pas commenté l’accident à l’époque. J’ai appris à être prudent ; je sais que dans des moments là il faut prendre du recul et analyser les données disponibles, un travail long et fastidieux mais nécessaire.

Un article, paru hier sans Space News (SpaceX’s Musk says sabotage unlikely cause of Sept. 1 explosion, but still a worry), nous en dit plus sur la cause probable de l’explosion. Après examens des données de télémétrie et des débris retrouvés, les experts s’orientent vers une explosion du réservoir d’hélium du deuxième étage. Notez que dans le cas de Falcon 9 les réservoirs d’hélium liquide sont placés dans le réservoir d’oxygène liquide, une configuration assez singulière.

L’hypothèse d’une rupture du réservoir d’hélium (He) qui sert à pressuriser le réservoir d’oxygène liquide (LOX) est tout à fait plausible. Très vite d’ailleurs les spécialistes de la propulsion chimique liquide des lanceurs se sont orientés vers cette hypothèse. Le réservoir de He est pressurisé à environ 350 bars. Il est souvent en matériaux composite tissés pour résister (COPV – Composite Overwrapped Pressure Vessel). La technologie est très difficile à maitriser et assurer la reproductibilité des propriétés des réservoirs reste difficile.
Si le réservoir se fissure ou explose, l’onde de pression générée peut percer/détruire le réservoir de LOX, de kérosène (ou autre) et surtout vaporiser l’oxygène (où générer de petites gouttelettes) ce qui lui permet de réagir avec le carburant et d’enflammer le mélange. D’après les spécialistes, les données de télémétries sont compatibles avec un phénomène rapide type propagation d’onde et changement de phase du LOX. Reste à savoir pourquoi le réservoir d’hélium a lâché. Sans doute un défaut dans la structure, ce qui ne pardonne pas à une telle pression.

La bonne nouvelle est que malgré tout SpaceX prévoit un nouveau lancement de sa fusée Falcon 9 pour novembre.

Congrès JPC 2016

Je m’apprête à quitter Salt Lake City dans l’Utah où je viens de passer quatre jours, sans voir grand chose de la ville et de ses environs d’ailleurs, confiné entre mon hôtel et le palais des congrès, qui, entre parenthèses, est gigantesque. On ne s’attend pas à un bâtiment aussi imposant dans une ville qui compte moins de 200000 habitants.

J’étais à SLC pour la 52ème édition de la Joint Propulsion Conference, qui est une référence aux Etats-Unis dans le domaine de la propulsion spatiale. C’est la troisième fois que je participe à ce congrès et je dois dire que cette édition était riche et intéressante en ce qui concerne la propulsion électrique. Ce fut aussi l’occasion de revoir de nombreux collègues et amis, d’échanger sur divers sujets et de préparer des travaux futurs.

Il y a eu beaucoup d’exposés, en particulier du JPL, sur le propulseurs HERMeS et la mission ARRM, de nombreux résultats sur les cathodes, plusieurs travaux très intéressants sur la micropropulsion (je reste impressioné par le développement des FEEP par Fotec en Autriche). La simulation numérique progresse également, avec une approche nouvelle pour traiter le transport électronique anormal qui inclue l’amortissement Landau par les ions.

Quant à moi, je présentais les récents travaux de l’équipe sur l’écrantage magnétique, où Magnetic Shielding en anglais. Les études ont été menées avec le propulseur ISCT200-MS, la version MS de notre propulseur à aimants de 200 W. L’exposé a eu un très fort impact dans la communauté et j’ai reçu de nombreuses, et sincères, félicitations. Il y a d’après moi trois raisons qui expliquent l’intérêt porté à nos travaux et l’enthousiasme de mes collègues :

  • le ISCT200-MS est le plus petit propulseur en MS au monde avec un écrantage de très bonne qualité,
  • nous avons utilisé une anode, qui sert aussi d’injecteur de gaz, fabriquée par impression 3D ; c’est la première fois que l’I3D est utilisée sur un propulseur européen, et la deuxième fois au monde,
  • nous avons prouvé par spectroscopie de LIF sur les ions métastables qu’il n’y avait pas d’ions avec une énergie supérieure au seuil de pulvérisation du BN-SiO2 au niveau de parois. C’est la raison principale à notre succès car il s’agit de la première preuve directe de l’efficacité de la configuration MS à réduire, voire supprimer, l’érosion des parois du canal de décharge, ce qui rallonge considérablement la durée de vie du système propulsif.

Periscope

Je connaissais bien sûr  l’application Periscope de nom.
Mais hier j’ai eu l’occasion de la mettre à profit. J’en suis sortit enchanté et convaincu de son utilité.

J’étais au  Palais de la Découverte à Paris où se tient toujours notre exposition « Explorons l’Univers avec la Propulsion Ionique » (voir mon billet du 27 mars). En plus du public de visiteurs, je recevais des collègues de l’INSIS du CNRS et des étudiants de l’IPSA.
Les responsables de la communication du CNRS m’ont proposé d’utiliser Periscope pour interagir en direct avec des internautes. Je me suis volontiers prêté au jeu. La vidéo est disponible ici.
J’ai ainsi pu répondre pendant vingt minutes à de nombreuses questions sur la propulsion, partager mon point de vue et présenter les travaux de mon équipe.
J’ai sincèrement apprécié ce moment d’échange et j’ai pu mesurer le potentiel et l’intérêt de Periscope.
On réfléchit désormais avec mes étudiants à une utilisation plus systématique de l’outil pour tenir informé tous les passionnés sur nos recherches et les avancées dans le domaine de la propulsion spatiale.

Space Propulsion 2016

J’étais à Rome il y a une semaine où se déroulait le 5ème congrès Space Propulsion, après avoir participé aux quatre éditions précédentes en Sardaigne, en Crête, à Bordeaux et à Rome.
Il y avait cette année un nombre record de participants, avec plus de 600 congressistes. Ce congrès a été l’occasion de revoir de nombreux collègues et amis, de discuter de projets en cours et futurs et de présenter les travaux de l’équipe sur l’écrantage magnétique pour les PH, sur les cathodes et sur le propulseur AIPE à plasma ion-ion.
Sur l’ensemble des sessions plénières, je retiendrai les mots clé suivants : collaboration (entre nations), entrepreneuriat (à développer), puissance nucléaire comme source d’énergie et low-cost (il faut réduire les coûts, des lancements mais aussi des plateformes donc des systèmes propulsifs, chimiques et liquides). Il a également beaucoup été question des méga-constellations de micro satellites, comme le projet One Web.
En ce qui concerne la PE, je retiendrai la forte activités de recherches sur les cathodes, l’intérêt porté aux carburant alternatifs tels que le di-iode et les avancées en micro-propulsion.

J’ai aussi profité de ce séjour pour visiter la ville de Rome avec Estelle sous le soleil. C’est l’une des plus belle ville que j’ai eu l’occasion de parcourir avec des surprises à chaque coins de rue, de superbes monuments à profusion et une ambiance italienne inimitable.

 

Exposition au Palais de la Découverte

L’exposition Explorons l’Univers avec la Propulsion Ionique a débuté au Palais de la Découverte à Paris la semaine dernière. Elle se terminera le 29 Mai prochain.
Cette exposition s’inscrit dans le cadre du concept Un Chercheur – Une Manip qui consiste à faire communiquer des chercheurs directement avec le grand public à travers des conférences-échanges-débats et des expériences avec l’espoir de créer ou consolider des vocations.
Lorsque nous avons été sélectionnés il y a 10 mois, grâce à l’impulsion de mon amie et collègue Sedina, nous nous sommes lancés un défi de taille : construire en 9 mois, en partant de zéro, une installation dédiée à la propulsion électrique pour les satellites et les sondes spatiales. Pari gagné grâce au travail acharné et à l’enthousiasme de tous les membres de l’équipe. Mes remerciements vont en particuliers à Denis, Guillaume, Julien, Lou, Nicolas, Romain et Sedina. Un grand merci également à Romain (n°2 ou du Palais), qui n’a pas compté la dépense énergétique, et sans qui tout cela n’aurait sans doute pas abouti.

Si vous faites un tour au Palais de la Découverte dans les semaines qui viennent, vous verrez ainsi une expérience complète de propulsion électrique qui montre le propulseur de Hall ISCT-100 de 100 W en fonctionnement avec du xénon dans une petite chambre à vide (voir mon billet du 6 février). Vous pourrez également assister à des conférences données par les membres de l’équipe et débattre autour de la propulsion, de l’exploration de l’Univers et de bien d’autres sujets.

ISCT est un acronyme qui signifie : ICARE Small Customizable Thruster. Il s’agit du terme générique employé désormais pour tous les propulseurs de Hall développés dans l’équipe. Le ISCT-100 est l’un des plus petits propulseur de Hall au monde. Dans un avenir proche, un tel système pourrait équiper les petits satellites opérant à basse altitude pour des manoeuvres de transfert d’orbite, de compensation de traînée ou de correction de trajectoire.

Voir la bande annonce de l’événement. 

Vidéo du propulseur ISCT-100 en tir : démonstration de la production d’une poussée.

Les plasmas froids réchauffent l’innovation

Il s’agit d’un article de Martin Koppe qui vient de paraître dans le journal du CNRS : Plasma.
Cet article, qui est illustré par de très belles photographies, propose un tour d’horizon des dernières avancées technologiques basées sur la physique des plasmas froids, domaine dans lequel je travaille depuis bientôt vingt ans. Le lecteur trouvera exposé de façon claire et synthétique des informations concernant des recherches récentes sur les économies d’énergie dans le domaine de l’éclairage, sur l’application des plasmas froids en médecine et naturellement sur la propulsion pour les vaisseaux spatiaux. Sur cette dernière thématique, il est notamment question du concept novateur de propulseur sans parois sur lequel j’ai écrit à plusieurs reprises sur ce blog.

Dans le domaine de la physique des plasmas, on distingue habituellement trois grandes familles de plasmas :

  • les plasmas froids qui sont faiblement ionisés et pour lesquels la température des électrons reste faible (Te < 10 eV),
  • les plasmas spatiaux qui sont fortement ionisés, à faible densité et dont les échelles caractéristiques sont très grandes,
  • les plasmas chauds ou plasma de fusion qui sont très fortement ionisés, dense et qui possèdent une température ionique et électronique très grande (Te >> 100 eV).

La très grande majorité des applications industrielles, dont la propulsion spatiale, font actuellement appel aux plasmas froids.

Logo EP Team

Voici en exclusivité le logo de l’équipe de recherche en propulsion électrique du laboratoire ICARE. Les lettres majuscules EP forment bien sûr l’acronyme de Electric Propulsion. Pourquoi avoir choisi l’anglais à la place du français me demanderez-vous ? Pour que notre logo soit compréhensible par le plus grand nombre et parce que nous évoluons dans un milieu où l’anglais est la langue dominante.

L’envie d’un logo m’a en fait été suggérée de manière inconsciente par mes collègues américains et australiens qui hésitent moins que nous européens à se mettre en avant et à se démarquer. A notre tour donc de s’afficher.
Ce logo est l’aboutissement d’un long travail collectif qui a donné lieu à des discussions passionnées et à de nombreuses tentatives. La version finale de notre logo doit beaucoup à Denis et Romain qui ont proposé les premiers modèles et surtout à Joël qui a su mettre en image nos idées et notre vision.

Premier tir du P2D2

Propulseur P2D2 en tir avec du krypton

Il y a deux semaines, le propulseur de Hall P2D2 a effectué avec succès son tir de validation dans la petite chambre à vide qui lui est dédiée. La photographie ci-dessus montre le P2D2 en tir avec du krypton à 150 V dans une chambre de 30×30×30 cm3. Cette semaine le propulseur a fonctionné sans problème avec du xénon à 250 V.

Le P2D2 (acronyme pour Petit Propulseur De Démonstration) a été développé et construit dans l’équipe par Julien Vaudolon à la fin de sa thèse de doctorat. Il s’agit d’un propulseur à aimants de moins de 3 cm de diamètre qui opère nominalement à une puissance de 100 W. La version actuelle présente une topologie magnétique standard. Une version en configuration à écrantage magnétique est en cours de mise au point. En parallèle, une cathode de petite taille est en développement sous la direction de Romain Joussot. La réalisation de la chambre à vide et les essais du propulseur ont été menés par l’ensemble de l’équipe, mais je tiens à remercier plus particulièrement Denis, Lou et Guillaume pour leur enthousiasme et leur efficacité.

Cet ensemble est destiné aux études et à l’optimisation des propulseurs de Hall de petites dimensions et travaillant à des puissances ≤ 100 W. De tels propulseurs pourraient équiper des micro-satellites opérant en orbite basse et destinés à l’observation, aux communications et à des expérimentations.
Néanmoins, l’objectif premier de cet expérience est d’une autre nature. Elle a été conçue pour une exposition au Palais de la Découverte à Paris qui aura lieu du 21 Mars au 29 Mai prochain dans le cadre du programme Un Chercheur – Une Manip. L’exposition s’intitule : Explorons l’Univers avec la propulsion ionique. Il s’agit de faire découvrir au plus grand nombre la propulsion électrique pour les véhicules spatiaux. C’est la première fois qu’une expérience de cette envergure est construite de A à Z pour ce programme. Un beau défi que notre équipe a su relever en un temps relativement cours, moins d’un an, en grande partie grâce à la volonté de mon amie Sedina. Je remercie aussi nos sponsors sans qui le P2D2 et son installation n’aurait jamais vu le jour : Le CNRS, le CNES, le Palais de la Découverte, ICARE et le LabEx Caprysses.

Rendez-vous au Palais de la Découverte à partir du 21 Mars.

Faut-il déjà programmer Ariane 7 ?

Le lanceur européen Ariane et sa privatisation via l’entreprise ASL, voilà un sujet de conversation qui revient souvent dans l’équipe. Ce sujet a naturellement animé nos pauses en ce début d’année 2016, après la récupération le 21 décembre dernier du premier étage d’une fusée Falcon 9 de la société Space X. Une prouesse technique qui marquera le domaine de la conquête spatial. Cet étage est d’ailleurs destiné à finir ses jours dans un musée.
La société du milliardaire Elon Musk a annoncé vendredi qu’elle venait de tester le ré-allumage au sol de l’étage récupéré. Tous les acteurs de l’astronautique et tous les amateurs attendaient cette étape avec impatience. Et ce fût un succès (lire par exemple l’article de SpaceNews). Un très bel exploit qui couronne un travail acharné et une volonté à toute épreuve mais qui ne fait pas plaisir à tout le monde, loin de là.

Le prochain lanceur européen sera Ariane 6, dont la livraison est prévue vers 2020. Il s’agit entre autres de répondre à l’offre de Space X et des autres concurrents en développant un lanceur plus léger et mieux adapté qu’Ariane 5 aux futures générations de satellites. Ces derniers temps on a pu lire dans la presse, spécialisée et non (je vous recommande en particulier l’article paru sur le site de l’IVERIS), de très nombreux articles qui remettent en cause le modèle choisi pour Ariane 6 avec deux critiques majeures : la privatisation, qui de fait met l’ESA et les états européens à l’écart, et le double jeu d’Airbus D&S qui se retrouve fabricant de satellites et de lanceurs. Il faudra également voir comment fonctionne l’association entre ASL et Arianespace, la société française chargée de la commercialisation des lanceurs de l’ESA, Ariane et Vega. La privatisation était à mes yeux nécessaire pour garantir une réponse rapide, et j’espère efficace, face à la montée en puissance des américains, indiens, japonais, coréens et chinois. Quant à la position d’ADS, l’avenir nous dira si les clients sont réticents ou non.
Mais avec le double succès de Space X, une autre question se pose désormais. Ariane 6 est-elle déjà dépassée, alors même qu’elle n’a pas encore vu le jour  ? Autrement dit, l’avenir des lanceurs passera-t-il pas la réutilisation des composants. La réponse est complexe et il reste beaucoup de chemin à parcourir, même pour Space X qui a certes plusieurs longueurs d’avance. Le modèle économique est-il viable ? Rien n’est certain et l’échec, sur ce point là, de la navette américaine doit faire réfléchir. On gagne d’un côté avec l’utilisation des mêmes composants pour plusieurs lancements mais on perd de l’autre car on produit moins de composants. De plus il faut en parallèle augmenter le degré de fiabilité et minimiser la maintenance. Si les lanceurs réutilisables demeurent un doux rêve, Space X restera dans l’histoire, et Ariane 6 fera son chemin. Si, au contraire, il s’agit de la voie du futur, l’Europe risque encore une fois d’arriver en retard et de faire payer la facture à ses contribuables. Au pire, la belle lignée des lanceurs Ariane pourrait s’éteindre.

Evasion spatiale

J’ai donné hier soir à l’hôtel Novotel d’Orléans la Source une conférence intitulée : Evasion spatiale – Objectif Mars. Et après ?
Cette conférence était organisée par le Crédit Agricole du Centre-Loire. Je tiens à remercier une fois de plus mon ami Johann pour m’avoir offert l’opportunité de parler de la conquête spatiale et de voyages interplanétaires.
La conférence présentait l’histoire, l’état de l’art et le futur des missions spatiales et de l’exploration. Je me suis focalisé sur l’aspect propulsion en exposant les contraintes imposées par l’équation de Tsiolkovsky, qui expliquent en grande partie pourquoi nous avons à ce jour seulement visité la Lune et pourquoi Mars demeure un objectif compliqué et coûteux. Quant au reste de notre système solaire, je ne vois pas l’homme s’y aventurer avant le siècle prochain.
J’ai passé un très agréable moment devant une assemblée d’environ 120 personnes. Les échanges et les discussions ont été nombreux et enrichissants. Ils ont duré plus de deux heures mais ont aurait pu palabrer toute la nuit. Je n’avais pas donné de conférence destinée au grand-public depuis plusieurs années. Ça me manquait en fait. J’ai pris beaucoup de plaisir hier soir à communiquer sur mon domaine de recherche et sur mon métier et à répondre du mieux possible à toutes les questions posées, parfois assez éloignées du thème choisi. Et par ces temps agités et gris qui nous confrontent à la fragilité de nos sociétés, j’espère aussi avoir apporté un peu de rêve.

Les diapositives que j’ai utilisé pour cette conférence sont disponibles ici.