Propulsion sans éjection de matière : compléments

C’est les commentaires et les questions de mon ami Alexandre qui m’ont fait prendre conscience que j’avais sans doute été un peu rapide dans mon billet du 8 août sur la propulsion spatiale sans éjection de matière, qui faisait suite à l’article d’Andréa Fradin dans Slate.
Voici donc quelques compléments.

La quantité de mouvement est une grandeur vectorielle qui, pour un objet donné, est égale au produit de la masse m (scalaire) par la vitesse v (vecteur). On démontre que pour un système isolé, c’est-à-dire qui n’interagit pas avec l’extérieur, la quantité de mouvement se conserve, c’est-à-dire que sa valeur reste invariante dans le temps. La conservation de la quantité de mvt va de paire avec la conservation de la masse et la conservation de l’énergie.

Voici un exemple. Considérons le système physique composé d’un fusil de masse mf et d’une balle de masse mb. La quantité de mouvement Q du système fusil + balle est alors donnée par l’équation suivante :

{\bf Q} = m_f {\bf v}_f + m_b {\bf v}_b.

Les indices f et b font référence au fusil et à la balle. Que vaut cette grandeur ? Il existe a un moment où l’on connait en fait sa valeur : avant que le coup ne parte. En effet, on a alors vf = vf = 0 (en vecteur). On a ainsi Q = 0 et cela reste toujours vrai.
Que se passe-t-il donc après le tir ? La balle part avec une grande vitesse vb de sorte que vf ne peut plus être nulle. En norme on obtient :

v_f = – \frac{m_b}{m_f} v_b.

Le fusil a donc une petite vitesse de même direction que celle de la balle mais de sens opposé. C’est ce que l’on appelle le recul. On voit que pour que vf soit faible il faut que mf soit grande, donc une arme lourde.
Ce que je viens de dire pour le fusil s’applique à une fusée et à tout véhicule spatial. Un véhicule avance grâce à la conservation de la quantité de mvt. Pour aller « vers l’avant » on éjecte de la matière (peu importe sa forme) « vers l’arrière ». Si on considère le système fusée + carburant (la matière qui sera éjectée mais sous forme modifiée) on a bien Q = 0.

Revenons à l’EmDrive et aux concepts similaires. Si une poussée est générée, ce que les auteurs clament, alors le propulseur se déplace dans une direction (vers l’avant) avec une vitesse v. Avant l’allumage, on a Q = 0. Dans ce cas, puisqu’aucune matière n’est éjectée, comment peut-on conserver la valeur de (Q = 0) à tout instant ? Là est le problème.
Les divers auteurs font intervenir le vide quantique et cetera. Peu convainquant.

Comme je l’ai dit et écrit, je pense à des erreurs de mesure de la poussée, car elle est très faible (de l’ordre du micro Newton), notamment pour les expériences menées à la NASA.

Imaginons cependant que l’EmDrive fonctionne vraiment et viole le principe de la conservation de la quantitété de mvt. Et bien cela signifierait que nos théories sont, non pas fausses, mais incomplètes.
Autre possibilité : ces concepts conservent bien Q mais le mécanisme n’est pas trivial.

Un dernier point. Une sorte d’expérience de pensée.
Imaginez-vous enfermé dans un vaisseau spatial. Si vous poussez sur la paroi, que se passe-t-il ? Rien ! Le vaisseau n’avance pas. Une force est créée, certes, mais une réaction identique s’applique sur vous. Le bilan est donc nul. Et bien l’EmDrive et compagnie me font penser à cela.

Une dernière chose. Certains invoquent l’effet Casimir lié aux fluctuations quantiques du vide. Si cet effet est bien réel, ceux qui le font intervenir pour l’EmDrive l’interprètent mal. Mais c’est une autre histoire.

Un commentaire

  1. Vous êtes debout dans une chaloupe sur l’eau et vous marchez d’un bout à l’autre. Bien sur la chaloupe se déplacera en sens contraire. Il y a une interaction entre vos pieds et le fond de la chaloupe. Imaginez maintenant qu’arrivé a l’extrémité de la chaloupe vous disparaissez et qu’un autre que vous apparaissez au début de l’embarcation et qu’il marche à nouveau vers l’extrémité et ainsi de suite. La chaloupe va donc se déplacer en sens contraire de manière continue.

    Une particule virtuelle (i.e. paire particule-antiparticule) agit un peu comme le marcheur. Mais où va la quantité de m’ouvement de cette paire quand elle disparaît? Cette paire peut défier les lois de conservation de l’énergie et de la quantité mouvement (c’est pourquoi elle est dite virtuelle) si elle satisfait aux relations d’Heisenberg. Il y a toujours une part d’incertitude sur les valeurs d’énergie et d’impulsion a l’échelle de la microphysique.

    Je ne dis pas que l’EMdrive s’explique ainsi, mais le monde des particules virtuelles existe bel et bien. L’électrodynamique quantique, la physique du solide et autre utilise cette ces particules à tour de bras pour expliquer des interactions. Ex. Lamb shift, évaporation trou noir, polarisation du vide etc.

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