Dérive électronique dans une décharge magnétisée

Photographie de la décharge RadioFréquence avec barrière magnétique en argon (20 sccm, 300 W, 10-3 mbar, 500 G) sans (a) et avec (b) un écran de Faraday. Le « ruban » du à la dérive des électrons est clairement visible dans le cas (a).

Une barrière magnétique est un élément crucial pour la génération d’ions négatifs à partir d’une décharge en gaz électronégatif. Le champ magnétique B piège les électrons. Ces derniers sont alors refroidis via les collisions avec les particules neutres. Une faible température électronique favorise l’attachement électronique et donc le taux de création d’ions négatifs. Au cours de travaux sur la configuration magnétique du propulseur PEGASES à plasma ion-ion [1] menés à l’ICARE, nous avons observé la formation d’une structure stationnaire en deux dimensions dans la région de forte intensité magnétique (voir mon article du 13 août 2010). Une belle photographie de cette structure lumineuse, qui forme un ruban [2], est présentée sur la figure ci-dessus (partie a).

Nos recherches ont été menés avec une décharge RadioFréquence magnétisée. Dans la dernière configuration de la source plasma, une antenne plane en spirale est située à l’arrière d’un tube en quartz, zone où est injectée le gaz. Un écran de Faraday peut-être inséré entre l’antenne et le tube. Des aimants permanents au néodyme créent un champ B perpendiculaire à l’écoulement du fluide (à l’axe du tube). Le tube débouche sur un chambre à vide équipée d’une pompe trubomoléculaire. La structure est observée pour un vaste ensemble de paramètres expérimentaux. Le «  ruban » ne dépend pas de la nature du gaz. Il est visible en SF6, Ar, Xe, He et O2. Il se forme pour des débits variant de 1 à 120 sccm en Ar, soit pour des pressions résiduelles de 10-4 mbar à 10-1 mbar. La fréquence de l’onde RF a été balayée de 10 à 60 MHz et la puissance transmisse variée de 10 W à 600 W. La structure est apparente pour un champ B dont l’intensité varie de 50 G à 1200 G. Des mesures réalisées à l’aide d’une sonde de Langmuir compensée passivement indiquent que le « ruban » est une région au sein de laquelle la densité et la température électronique ainsi que le potentiel plasma sont élevés. La structure disparaît lorsqu’un écran de Faraday est installé, c’est-à-dire lorsque le couplage RF  bascule d’un mode capacitif à un mode inductif (partie b de la figure).

Nos expériences indiquent que la structure provient d’une dérive des électrons en E×B qui est interceptée par les parois du tube. La dérive ne se referme donc pas sur elle-même. En mode capacitif, le champ E provient du couplage entre la branche de l’antenne à haute tension et les parois à la masse du caisson. Ce champ disparaît en mode inductif. Dans ce cas, le champ ambipolaire et la vitesse diamagnétique ne sont pas assez intenses pour conduire à l’apparition d’un « ruban » énergétique visible à l’œil nu.

La structure en « ruban » est en fait un phénomène général qui apparaît dans tous types de décharge magnétisée où la dérive électronique ne se reboucle pas. La dérive ouverte forme un passage pour les électrons qui traversent la barrière magnétique. En conséquence une telle structure brise la symétrique du plasma, affecte l’extraction des ions et réduit le rendement de conversion d’énergie et de production des ions négatifs.
Nos derniers résultats seront présentés au prochain congrès ESCAMPIG (Europhysics Conference on Atomic and Molecular Physics of Ionized Gases) qui aura lieu à Viana do Castelo au Portugal au mois de juillet.


[1] A. Aanesland, S. Mazouffre, P. Chabert, EuroPhysics News 42 (2011) 28-31.
[2] D. Gerst, M. Cirisan, S. Mazouffre, IEEE Trans. Plasma Sci. 39 (2011) 2570-2571.

4 commentaires

  1. il faut mettre le caisson au flottant pour le champ E entre l’antenne et la masse du caisson. Je pense que la champ est plus la difference du potentiel plasma vs ground que l’antenne et le ground

    il y a plein de moteurs lineaires a champs croises ou la courant de derive ne se referme pas

  2. Mettre le caisson à la masse ne changerait pas grand chose car la champ RF est très grand dans notre cas. C’est la raison pour laquelle la structure est si visible.
    En fait, lorsque la dérive ne se reboucle pas, des simulations numériques récentes, motivées par nos expériences et les résultats obtenus sur les sources d’ions négatifs pour les injecteurs de neutres d’ITER (le courant est dysymétrique), montrent que la structure est toujours présente. Elle est due à la combinaison du champ E local (gradient de Vp) et de la vitesse diamagnétique liée au gradient de pression (important dans une barrière magnétique).
    Nous avons été les premiers à l’observer directement et de façon évidente à cause du champ RF. Un pur hasard en fait car nous avons debuté avec une décharge en mode capacitif, plus facile à réaliser.

  3. Encore une superbe manip ! Bravo pour tout ce que tu as fait depuis le temps du labo d’aérothermique et du montage LIF sur un plasma supersonique avec Ewa.
    C’est avec plaisir que je suis régulièrement tes manips.
    Bonne continuation !

  4. Voilà une surprise !
    Ca fait plaisir d’avoir de tes nouvelles. Je ne savais pas que tu lisais mon blog.
    Il s’est passé pas mal de chose depuis mes débuts à l’Aérothermique et nos expériences sur la soufflerie, tu t’en doutes.
    Je travaille toujours avec Ewa qui vient régulièrement au labo. On a fait une très belle publication l’année dernière dans Spectrochimica Acta B sur la structure hyperfine de la transition à 834 nm de l’ion Xe+.

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