Archives de catégorie : Sciences

La méthode scientifique

J’ai participé hier après-midi pour la troisième fois à l’émission de radio « La Méthode Scientifique » animée par Nicolas Martin et son équipe. Le sujet du jour : la propulsion spatiale du futur. Le premier thème traité fut le concept SpinLaunch, sorte de fronde géante servant à lancer des satellites. Diverses méthodes ont ensuite été abordées, dont les technologies de propulsion électrique et de propulsion nucléaire. Pour finir nous avons discuté des voiles solaires et des voiles laser, illustrées par un reportage au sein de la startup française GAMA.

Si vous voulez en savoir d’avantage sur ces technologies du futur innovantes et prometteuses, vous pouvez écouter tranquillement l’émission ou le podcast : Spin Launch : un p’tit tour et puis s’en va.


Je tiens à remercier Maxime Puteaux (conseiller chez Euroconsult) ainsi que Franck Plouraboué (directeur de recherche CNRS à l’Institut de mécanique des fluides de Toulouse) pour les échanges que nous avons eus et leur commentaires précis et pertinents.

Disparition des frères Bogdanoff

Grichka et Igor Bogdanoff ne sont plus là. Les jumeaux les plus célèbres et les plus emblématiques du paysage audiovisuel sont allés rejoindre les étoiles il y a quelques jours, emportés par le Covid-19. Ils n’étaient pas vaccinés. Non pas qu’ils étaient opposés au vaccin ; plutôt par choix. Ceux qui ne supportaient pas l’effet du temps qui passe se croyaient peut-être invincibles ou immortels ? C’est une mort idiote, si simple à éviter, mais pathétique. Je crois qu’une sincère vague d’émotion a traversé le pays. Je fus moi-même touché avec un léger sentiment de tristesse.

Car l’évocation des frères Bogdanoff me ramène à mon passé, à mon enfance, mon adolescence, ma jeunesse. Moi aussi je dois avoir peur de vieillir. Les frères Bogdanoff, c’est « Temps X », cette formidable émission de science-fiction diffusée de 1979 à 1987 sur la Une. Je ne pense pas avoir loupé un seul épisode. On rêvait avec les jumeaux, on apprenait, on se divertissait, on se projetait dans le futur. Peu d’émissions rivalisent aujourd’hui malgré des centaines de chaines et des milliers de programmes. Les deux frères ont sans doute conforté mon envie de devenir Physicien, d’explorer le monde et d’en comprendre, à mon niveau, les mécanismes et la dynamique. Merci à eux. Reposez en paix.

Prix Edmond Brun

Remise du prix Edmond Brun, Académie des Sciences, 23 novembre 2021.

J’ai reçu hier après-midi à l’Institut de France à Paris le prix Edmond Brun de l’Académie des Sciences pour mes travaux en propulsion spatiale : Cérémonie de remise des prix 2021 de l’Académie des Sciences.

Je suis profondément honoré par cette distinction prestigieuse qui récompense plus de vingt-cinq années de travaux de recherche dans les domaines de la physique des plasmas et de la propulsion ionique.

Naturellement, il ne s’agit nullement de l’accomplissement d’un seul homme. Je souhaite donc chaleureusement remercier tous ceux qui m’ont accompagné dans cette belle aventure : mes proches, mes amis, mes doctorants, mes étudiants, mes vrais collègues et tous ceux qui m’ont épaulé, forcé à toujours donner le maximum et poussé à me remettre souvent en cause.

Je tiens à dédicacer ce prix à mon collègue et ami disparu trop tôt, le Professeur Michel Dudeck, qui m’a orienté vers la propulsion spatiale tout en me laissant prendre mon envol.

Enfin, je dédie ce prix à mon Père, lui aussi partit bien trop tôt. Il aurait été fiers de son petit garçon.

Le prix Edmond Brun est un prix biennal alternatif créé en 1980 destiné à un chercheur travaillant dans le domaine de l’astronautique ou dans le domaine de la mécanique des fluides et de la thermique.

Inspiration 4

SpaceX vient de mener le premier vol habité privé. Quatre personnes (deux femmes et deux hommes) ont fait plusieurs fois le tour de notre planète en orbite basse à bord de la capsule Crew Dragon pour quelques dizaines de millions de dollars. Le vol a duré trois jours et s’est terminé par un amerrissage au voisinage des côtes de la Floride. Après Virgin Galactic et Blue Origin, SpaceX nous projette à son tour dans l’ère du tourisme spatial.

La mission Inspiration 4 me laisse perplexe. Voire même dubitatif. Quel est le but d’un tel voyage ? Quelles valeurs y associer ? S’il s’agit juste de constater la rotondité de la Terre, pas besoin de prendre une fusée. On peut regarder des photographies prises depuis l’espace, prendre l’avion, regarder l’océan à l’horizon… Faire l’expérience d’un long vol en microgravité ? Frimer ? Gagner de l’argent ? J’avoue ne pas vraiment comprendre. Je ne parle même pas de la pollution engendrée, de l’impact climatique, des ressources gaspillées. Si ce genre de tourisme venait à croître à l’avenir, les conséquences globales sur l’environnement pourraient être désastreuses. Je pense qu’il y a aujourd’hui des enjeux bien plus importants que le développement du tourisme spatial.

J’ai toujours, depuis ma plus petite enfance, était fasciné par la conquête de l’espace, par l’Univers et ses mystères. J’en est même finalement fait mon métier. Mais je milite pour une vision scientifique et non ludique. C’est l’exploration du système solaire qu’il faut mettre en avant, non le divertissement d’une certaine élite.

Lois de conservation

Lorsqu’il s’agit de l’EM-Drive, ou de concepts équivalents, mon rôle de physicien me conduit à mettre en avant les deux points suivants.

  1. Violer la loi de conservation de la quantité de mouvement, ce que fait l’EM-Drive, est un problème sérieux qui ne peut pas être simplement négligé. Remettre en cause cette loi, et les autres lois de conservation, c’est remettre en cause les fondements de la physique. C’est balayer d’un coup l’ensemble des théories (Electromagnétisme, physique quantique, relativité, physique des particules…). C’est effacer d’un coup de gomme les Symétries qui fondent l’ensemble de nos connaissances. Il faut donc être prudent et proposer un cadre théorique qui à la fois englobe l’ensemble des modèles actuels et les dépasse. Or rien de tel à ma connaissance n’est suggéré.
  2. A ce jour, aucune expérience digne de ce nom, c’est à dire respectant les protocoles et règles de la théorie de la mesure et proposant un calcul d’incertitude solidement établi, n’a prouver que l’EM-Drive génère une poussée. Au fur et à mesure que des expériences sont menées et affinées, telles que celles conduites au NRL ou bien au sein de l’équipe de mon collègue M. Tajmar, la valeur limite déterminée diminue. Je crains que dans un futur proche l’hypothétique poussée corresponde à la limite de détection ultime et devienne ainsi bien inférieure à 1 nN pour plusieurs centaines de Watts injectés dans la cavité.

D’où mon grand scepticisme. Mais aussi une certaine tristesse car, comme je l’ai à plusieurs reprises expliqué, la loi de conservation de la quantité de mouvement n’interdit nullement les voyages interstellaires mais elle oblige à recourir à des quantités d’énergie qui sont à ce jour et encore pour des siècles hors de portée pour l’humanité. Nous sommes pour longtemps confinés dans notre système Solaire.

Dans la même lignée je recommande la lecture de l’article de l’astrophysicien Paul Sutter  » Can the EmDrive actually work for space travel?  » publié en ligne sur le site Space.Com en novembre dernier.

Voyage vers les étoiles

Pourrons-nous un jour atteindre les étoiles qui nous encerclent et qui constituent notre Galaxie ?
La Physique ne s’y oppose pas. Alors un jour peut-être. Mais pas demain, ni même après demain. Nous ne serons guère plus avancés à la fin de ce siècle. A la fin du suivant ? Je ne sais pas. Dans mille ans ? La probabilité est plus élevée mais rien n’est garanti.

Pourquoi une telle échelle de temps ? On peut être sceptique en effet à la lecture des lignes qui précèdent. Après tout, le développement technologique de l’humanité accélère, les progrès sont exponentiels, la Lune est accessible, on posera bientôt le pieds sur Mars et l’exploration des planètes géantes et de leurs satellites est au programme. Alors ?

On peut invoquer de nombreuses raisons à l’impossibilité de réaliser un voyage vers les étoiles même proches dans les décennies à venir, voire les siècles, telles que les immenses distances à parcourir, la durée, l’autonomie du vaisseau… En réalité, tout cela se résume à une quantité triviale : l’énergie. La quantité d’énergie à mettre en jeu pour un voyage interstellaire effectué sur une durée raisonnable est gigantesque. Elle dépasse de très loin ce que nous savons exploiter et maîtriser. Il faudra donc attendre que l’humanité s’étende, que ses ressources et son potentiel augmentent et qu’elle sache gérer et manipuler des montagnes d’énergie et de matière. Je rappelle ici que notre civilisation n’a pas encore atteint le type I, d’après l’échelle de Kardachev, et ne l’atteindra pas avant plusieurs siècles.

Sur ce sujet je vous conseille le documentaire de la BBC intitulé « Will our spacecraft ever reach the stars? ». Je l’ai écouté en podcast il y a quelques jours. On y parle de propulsion, dont la propulsion électrique, de cryogénisation, de manipulation de la gravité… C’est très bien fait, simple, accessible et vrai. Vous y trouverez la réponse de divers collègues et spécialistes à la question posée au début de ce billet. Pas de surprise. Leur réponse n’est pas différente de la mienne.

Ça brûle

Notre pensé est aujourd’hui obnubilée par l’épidémie du CoViD-19. Nous sommes littéralement focalisés sur cette maladie, oubliant que le monde tourne toujours 1 . Nous avons bien sûr raison de combattre le virus avec force, de mettre en place des règles pour éviter l’hécatombe, pour protéger les gens et maintenir à flot l’économie. Mais cette épisode, même si sa dimension est planétaire, n’est qu’un problème mineur avec des solutions, d’abord temporaires (masque, respect des distances, désinfection), puis définitive (traitement médical, vaccin). Dans quelques mois ou semestres cet épisode sera derrière nous et nous reviendrons à nos préoccupations premières.

Je crois sincèrement que cette pandémie occulte l’essentiel. Le monde va mal, de plus en plus mal, et les actions pour combattre les dérives sont dérisoires voire inexistantes. J’ai vu ces dernières semaines les images terrifiantes des incendies en Californie. J’ai vu des vidéos sur la fonte des glaciers et de la banquise, sur le recul de la forêt amazonienne. Je ne cite même pas les records de température, les inondations mortelles et les bêtises débitées par D. Trump. Les événements climatiques empirent chaque année, leur intensité augmente. Et rien. L’évidence est là. Mais il ne se passe rien. Des annonces mais aucune action sérieuse véritablement concrète. On nous promet des changements pour dans dix ans, vingt ans, 2050 voire 2100.

On reste immobile, attaché comme des mouches à la glue à notre mode de vie bien confortable. On pousse la machine à fond faisant fi des signaux d’alerte. En agissant de la sorte on se condamne et on condamne les suivants. Nous avons déjà perdu quarante ans. J’ai peur que nous en perdions quarante de plus. On se réveillera un jour prochain mais il sera bien trop tard. Un retour en arrière n’est et ne sera nullement compatible avec nos échelles de temps. Alors on subira.

1) Sur ce sujet les réflexions de BHL dans son dernier ouvrage sont pertinentes (Ce virus qui rend fou, Grasset 2020).

Ejection de matière

Le trou noir MAXI J1820+070 éjectant une goutte géante de plasma – Première observation réalisée en novembre 2018.

L’image ci-dessus révèle un jet de matière relativiste produit par le trou noir MAXI J1820+070. Elle a été obtenue par une équipe Internationale à partir d’imagerie spatiale dans le domaine radio et dans le domaine des rayons X. Quelle belle et grande découverte qui fait suite à la première photographie d’un trou noir de la galaxie Messier 87 publiée en avril 2019. Comment ne pas être fasciné et ému par la beauté et la magie de notre Univers. Par sa complexité aussi.

C’est ce genre d’images et d’observations qui m’ont fait aimer la Science et la Physique en particulier. Jeune je me régalais des articles du magazine Science & Vie puis de La Recherche en rêvant de marcher sur les traces de ces hommes et de ces femmes qui nous faisaient avancer sur le long chemin de la connaissance. J’ai en grande partie réalisé mon souhait.

Les chiffres issus de l’étude de MAXI J1820+070 sont vertigineux : une vitesse d’éjection atteignant 80 % de la vitesse de la lumière, une énergie interne de l’ordre de 6×1052 eV et une quantité de matière estimée à 2×1017 kg. Face à cette démesure il nous faut rester humble. Nous ne représentons pas grand chose pour ne pas dire rien. Un souffle de trou noir et nous disparaissons instantanément sans laisser de traces.

Les lecteurs désireux d’en apprendre d’avantage peuvent lire la pré-étude déposée sur arXiv et l’article publié dans The Astrophysical Journal Letters.

Chairs of Excellence

Je viens d’obtenir une Chaire d’Excellence (« Catedra de Excelencia  ») de l’Université Carlos III de Madrid. C’est une très agréable surprise car je ne pensais pas que mon projet, qui porte sur les phénomènes de transport dans les propulseurs Helicon, serait retenu. Il s’agit en effet de ma première tentative pour ce concours très sélectif qui récompense chaque année une quinzaine de chercheurs venus d’horizons très variés. Je remercie une fois encore le comité de sélection pour la confiance qu’il m’accorde et pour le soutien ainsi démontré à mon domaine de recherche. C’est un signal fort envoyé à notre communauté.

Je vais donc passer prochainement plusieurs mois à l’UC3M dans le groupe EP2 dirigé par mon ami E. Ahedo pour travailler en particulier sur le transport des ions et des neutres dans la tuyère magnétique d’un propulseur Helicon. J’accueillerai également mon collègues P. Farjado au sein de l’équipe PE de l’ICARE pour la mise en place des outils de diagnostics laser nécessaires à nos travaux communs.

L’humanité en péril

A lire, de toute urgence. Demain il sera trop tard.

L’humanité en péril ; Virons de bord, toute ! publié chez Flammarion. Il s’agit d’un ouvrage de la célèbre auteure Fred Vargas.

C’est un essai clair, pointu, précis et extrêmement bien documenté avec plus de 400 références (on voit là le caractère scientifique de F. V.). Tout est expliqué sur le réchauffement climatique planétaire, la pollution qui va avec, la destruction de la faune et de la flore : les causes anthropiques indéniables aujourd’hui et les conséquences à court et long terme selon les scénarii envisagés de plus optimiste (mais irréaliste pour moi) au plus pessimiste. En quelques mots, l’humanité pourrait disparaître dans les siècles à venir. Nous pourrions voir le début de la fin et nos enfants ou petits-enfants la fin. Et malgré cela on ne fait rien, ou presque rien alors que les solutions existent pour enrayer la crise, limiter les dégâts et offrir aux générations futures un monde vivable comme l’explique F. V. dans son essai.

Déni ? Confiance aveugle et injustifié dans la science ? Pouvoir surévalué de l’argent ? Appât des gains à court terme ? Je n’en sais rien mais je constate que rien ne bouge, que le modèle économique qui nous gouverne (basé sur la sacro-sainte croissance) n’est pas modifié alors que l’on est au courant de la mauvaise direction prise depuis les années 1960 et que les rapports et articles amoncellent, que les COP, les G7 ou G20 ne servent à rien, que les écarts de richesse se creusent, que les plus riches sont toujours plus riches quoi qu’il advienne, que les grandes entreprises, les banques et les assureurs dominent le monde et que les états sont ruinés.

Mais ne baissons pas les bras. Tout n’est pas encore perdu même si chaque seconde perdue nous rapproche de la grande catastrophe. Alors lisez ce livre, renseignez vous et changez vos comportements. Il faut compter sur les citoyens pour changer le cours de l’histoire. Nous avons les cartes en main ; agissons.